CENTRAFRIQUE : POURQUOI LE GOUVERNEMENT CENTRAFRICAIN A-T-IL ROMPU LE CONTRAT QUI LE LIE AVEC AHS-RCA?

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Bangui, le 18 janvier 23

Ces derniers temps des interprétations fantaisistes et fallacieuses ont été faites au sujet de la résiliation par le gouvernement centrafricain du contrat le liant avec la société AVIATION HANDLING SERVICES-CENTRAFRIQUE (AHS-RCA) en charge d’assistance en escale à l’aéroport international Bangui-M’Poko. Afin d’éclairer la lanterne du public centrafricain en général, et plus particulièrement celle de nos lecteurs, la Rédaction du journal Le Potentiel Centrafricain a mené ses investigations en toute indépendance pour mettre certains éléments factuels afin d’amener les Centrafricains dont la plupart se perd en conjecture, à connaître les vraies raisons de cette rupture qui continue de faire couler de l’encre et de la salive.  

Pour rappel, c’est sous le régime de l’ancien président François Bozizé que le gouvernement centrafricain a confié, par un contrat de concession de service public conclu le 03 mai 2007, l’exploitation de l’activité d’assistance aux aéronefs en escale à l’Aéroport International Bangui-M’Poko, à la société AVIATION HANDLING SERVICES-CENTRAFRIQUE (AHS-RCA). Ce contrat a couru jusqu’ à son expiration le 02 mai 2017, soit dix (10) ans de validité. Et comme prévu par les signataires dans le document qui les lie, le contrat a donc été renouvelé par tacite reconduction pour la même durée, et devrait normalement courir jusqu’au 02 mai 2027.

Or il se trouve que depuis la signature de ce contrat, non seulement les intérêts de l’Etat centrafricain sont régulièrement bafoués, mais, aussi et surtout, les conditions techniques d’exploitation de l’activité ne sont pas garanties.

En dépit  des engagements pris pour son renouvellement, le matériel d’exploitation utilisé par AHS serait composé quasiment d’engins et d’équipements hérités d’AIR AFRIQUE, dont certains sont mis en service depuis plus de 45 ans. Selon les experts en la matière, leur vétusté représente une menace potentielle pour la sécurité et la sûreté du transport aérien. Bien qu’avec un chiffre d’affaires moyen annuel de deux milliards (2 000 000 000) francs CFA contre des charges de fonctionnement n’excédant pas Sept Cent Cinquante Millions (750 000 000) francs CFA, AHS a refusé systématiquement, depuis plus de 15 ans,  d’investir pour renouveler le matériel.

D’après les avis du personnel du AHS, au niveau de la société, le climat social serait toujours délétère, caractérisé par un bras de fer permanent entre les dirigeants et les salariés, avec la menace perpétuelle d’une grève du personnel risquant de paralyser les activités aéroportuaires, au détriment du pays dont c’est le seul aéroport international. En témoignent les nombreuses lettres adressées par le personnel pour informer les autorités du pays, y compris les plus hautes autorités, sur les mauvais traitements qu’il subit.

D’après des informations de sources concordantes, plus de 15 années après la signature du contrat de concession, AHS aurait toujours refusé catégoriquement d’ouvrir son capital social aux nationaux, comme convenu lors de la signature du contrat. Ce qui a eu pour conséquence, les dirigeants de la société sont tous des expatriés, comme s’il n’y avait pas des cadres centrafricains qualifiés. Les salariés centrafricains sont relégués à des fonctions de manutention, et l’Etat centrafricain ne contrôle rien. Il ne connaît ni l’identité des administrateurs, encore moins celle des actionnaires.

Plus grave la qualité des prestations fournies aux usagers est très mauvaise, entraînant des plaintes régulières des compagnies aériennes, sans aucune volonté d’amélioration de la part de AHS.

Selon ces mêmes informations, c’est dès la prise de service du ministre Herbert Gotran DJONO-AHABA à la tête du département en charge de l’aviation civile qu’il a engagé la société AHS à se conformer à sa mission conformément aux clauses contractuelles; en améliorant la qualité de ses prestations; en renouant au plus vite le dialogue social avec le personnel et en soumettant la liste exhaustive et actualisée du matériel d’exploitation, ainsi qu’un programme d’investissement pour le renouvellement du parc, assorti du calendrier de sa mise en œuvre. Mais cet engagement est resté sans suite au grand dam du ministre.

Ainsi n’ayant reçu aucune réponse satisfaisante, le ministre par devoir de transparence, a  cru bon de saisir la Cour d’appel de Bangui qui a commis 2 experts judiciaires aux fins de vérifier, à la fois, la qualité de l’exploitation et l’état du matériel. Chose qui a été faite  avec un rapport accablant rendu par les experts judiciaires.

D’après un cadre du ministère de transport, fort de tout ce constat, suite à ce rapport accablant, le ministre aurait envoyé à la société AHS deux (2) lettres de mise en demeure qui sont restées aussi infructueuses.

Par ailleurs les textes régissant l’exploitation de l’activité d’assistance en escale exigent du concessionnaire, en plus du contrat de concession, l’obtention d’un agrément d’exploitation délivré par un arrêté signé par le ministre en charge de l’aviation civile. Et comme l’arrêté portant renouvellement de l’agrément d’exploitation de la société AHS pour une durée de 5 ans, délivré sous le N° 00/17/MTAC/DIRCAB du 18 octobre 2017, arrivait à expiration le 31 décembre 2022 ; les textes précisent que 3 mois avant la date d’expiration de l’agrément, la société doit introduire la demande de son renouvellement dans les mêmes conditions de fond et de forme. Mais au 30 septembre 2022, date limite, aucune demande de renouvellement n’avait été adressée. Or, passé ce délai, toute demande de renouvellement était irrecevable. Ainsi, à partir du 1er janvier 2023, AHS ne devrait plus être juridiquement en capacité de poursuivre l’exploitation, faute d’agrément.

Ajoutée à tous les autres manquements évoqués plus haut, l’absence d’agrément au 1er janvier 2023 a poussé le ministre centrafricain chargé de l’aviation civile à constater la forclusion du délai d’introduction de la demande de renouvellement de l’agrément d’exploitation. Aussi, a-t-il notifié à AHS avoir pris acte de sa volonté délibérée de ne pas solliciter le renouvellement de l’agrément d’exploitation et, subséquemment, de ne pas pouvoir être juridiquement en capacité d’exercer l’activité après l’expiration de l’agrément en cours. Par la même occasion, il a notifié un préavis pour la résiliation, au 31 décembre 2022, du contrat de concession.

Mais l’AHS ne voulant pas entendre raison après cette notification, a produit un faux-document, à savoir un arrêté qui aurait été signé sous le N° 002/17/MTAC/DIRCAB du 26 septembre 2017, c’est-à-dire, chronologiquement avant l’arrêté qui porte le numéro 001, et dont la validité serait de 10 ans. Or malheureusement, le 26 septembre 2017, le ministre chargé de l’aviation civile de l’époque, Monsieur Théodore JOUSSO, se trouvait précisément  en mission à Montréal au CANADA et ne pouvait pas signer un arrêté à Bangui. Ensuite, comment expliquer que chronologiquement, le premier arrêté, portant le numéro 001, soit signé le 18 octobre 2017, alors que l’arrêté portant le N° 002, censé être postérieur, est signé le 26 septembre 2017? Le Ministre Herbert Gotran DJONO-AHABA a purement et simplement révoqué ce faux document dont la production conforte les informations persistantes sur la mauvaise moralité de la société AHS.

Entre-temps Plusieurs partenaires avaient déjà manifesté leur intérêt pour la reprise de l’activité, en raison de la mauvaise qualité notoire des prestations fournies par AHS et décriées par les usagers, ainsi que de nombreux autres manquements plusieurs fois relevés. Le gouvernement centrafricain a jusque-là voulu garder le statu quo, pour éviter des complications juridiques, puisque le contrat de concession conclu avec AHS et reconduit était en cours de validité.

Cependant, cette fois-ci, face à l’imminence du vide que devrait  laisser la société AHS à l’expiration de son agrément d’exploitation au 31 décembre 2022, le ministre en charge de l’aviation civile, Herbert Gotran DJONO-AHABA, ne pouvait pas demeurer les bras croisés et exposer la RCA à une paralysie de l’activité aéroportuaire à la date du 1er janvier 2023, si aucune solution palliative n’était trouvé. Il était donc de sa responsabilité de prendre une initiative pour éviter la fermeture de l’aéroport. Parmi les partenaires qui avaient manifesté leur intérêt pour l’assistance au sol à Bangui-M’Poko, certains avaient signé un MOU avec le gouvernement centrafricain. Aussi, le Ministre a-t-il renoué les contacts avec ces partenaires, et la reprise des négociations a permis un compromis gagnant-gagnant avec la société INTERNATIONAL TECHNOLOGY-CÔTE D’IVOIRE (IT-CIV), dont le partenaire technique et stratégique est un des leaders mondiaux du handling. Le contrat de concession de l’activité d’assistance en escale  été formellement signé le 17 novembre 2022, pour une entrée en vigueur prévue au 1er janvier 2023, ce permet qui aux parties de prendre toutes les dispositions utiles pour assurer immédiatement la relève et continuer sans interruption l’exploitation de l’activité.

C’est dans cette optique que toutes les dispositions ont bien été prises pour que la transition se fasse sans heurt entre l’ancien et le nouveau prestataire. Tout le dispositif requis a été préparé pour un démarrage en douceur par la nouvelle société de droit centrafricain INTERNATIONAL TECHNOLOGY HANDLING SERVICES-REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE (ITHS-RCA) dès le 1er janvier 2023, aussi bien en termes d’assurance aéronautique, en termes de disponibilité des moyens de communication et d’information, en termes de personnel qualifié ainsi qu’en termes de matériel d’exploitation. De même, toutes les approbations nécessaires ont été délivrées.

En dépit des informations ventilées çà et là par la société AHS pour décourager les compagnies aériennes, aucune d’entre elles n’a suspendu son vol. La première compagnie aérienne qui a opéré à Bangui-M’Poko sous l’ère ITHS-RCA est la RAM qui a maintenu tous ses vols et est bien arrivée à Bangui le 1er janvier 2023 par son vol AT285, puis a décollé avec 30 minutes d’avance, ce qui a valu une lettre de félicitation adressée au personnel et aux dirigeants de la nouvelle société. RWAND’AIR, dont le sérieux et la rigueur sont connues du monde aéronautique, s’est posée et est repartie le même jour 1er janvier 2023. Même des vols ponctuels, opérant surtout en vols cargos ou pour le transport des troupes de la MINUSCA, ont desservi normalement sans discontinuer. Seule AIR FRANCE a annulé son 1er vol du mardi 03 janvier 2023 en raison de certaines contingences. Mais après un audit satisfaisant de la société ITHS-RCA effectué par la Direction régionale d’AIR FRANCE pour l’Afrique centrale venue spécialement de Libreville (GABON) à cet effet, la compagnie AIR FRANCE a repris normalement ses dessertes trois jours plus tard, le samedi 06 janvier 2023.

A noter que la RCA n’est pas le premier pays qui a rompu les relations contractuelles avec la société AHS. Il en a été le cas avec le NIGER, le SENEGAL, la GUINEE BISSAO et la GUINEE EQUATORIALE. Et les causes de la rupture ont toujours été les mêmes.

Avec le nouveau concessionnaire, le contrat de concession est équilibré, et les intérêts de l’Etat centrafricain sont nettement améliorés.

Tout d’abord, l’Etat centrafricain est lui-même actionnaire, ce qui permet d’avoir un siège au Conseil d’administration et de pouvoir mieux suivre l’exploitation de la concession. Il est en outre prévu une ouverture du capital social à des privés centrafricains.

Ensuite, le nouveau concessionnaire se propose de verser par avance à l’Etat centrafricain, sur la base du chiffre d’affaires annuel prévisionnel de l’année 2023, la redevance de concession qui est de 10% du chiffre d’affaires annuel brut. Mais surtout, le nouveau concessionnaire a soumis un programme d’investissement pour le renouvellement du parc des engins et équipements d’exploitation évalué à plus d’un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) francs CFA, ce qui garantit la sécurité et la sûreté du transport aérien, en écartant tout risqué lié aux conditions techniques d’exploitation. L’épée de DAMOCLES qui pesait sur l’exploitation de l’activité à cause de la vétusté du matériel est ainsi levée.

Il faudrait savoir que le nouveau contrat de concession contient par ailleurs des clauses qui stipulent expressément qu’aucun salarié ne doit être abusivement licencié, et que l’absence de dialogue social est susceptible d’être une cause de résiliation. En outre, le nouveau concessionnaire s’engage à reprendre en mains la formation du personnel et la mise aux standards internationaux de ses qualifications, selon les règles du métier.

Le moins que l’on puisse dire est qu’en terme de nouveauté, dans ce nouveau contrat, il est prévu la mise en place d’un Comité de suivi de l’exploitation, qui est un organe technique ad’ hoc et permanent, composé paritairement des représentants de l’Etat centrafricain et de ceux du nouveau concessionnaire, et qui aura principalement pour mission d’assurer le suivi de la bonne exécution du contrat, afin de prévenir toute action ou inaction susceptible d’impacter négativement l’exploitation de l’activité.

Ce comité s’assurera aussi que le programme d’investissement est bien déroulé selon le calendrier de mise en œuvre, tout en veillant par ailleurs à ce que les informations financières fournies par le concessionnaire sur le chiffre d’affaires annuel, et sur la base desquelles la redevance de concession est payée, ainsi que la taxe sur le chiffre d’affaires, soient sincères. Car il faut signaler, à cet effet, que selon des informations recoupées et vérifiées, AHS ne déclarait pas la totalité de son chiffre d’affaires, surtout les recettes encaissées pour les vols ponctuels, constitués des rotations opérées par des aéronefs gros porteurs qui payent les prestations en liquides et en devises étrangères.

Il susurre que ces encaissements sont convoyés vers l’extérieur sur des vols réguliers, constituant ainsi un transfert illicite de fonds et une évasion fiscale qui créent un manque-à-gagner pour le fisc centrafricain. Eu égard à tout ce qui précède, il faut dire que  la page AHS-RCA est tournée, et définitivement tournée. Une nouvelle aventure commence avec ITHS-RCA, et le gouvernement  centrafricain veillera à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent plus. Comme a dit un dicton populaire, « Le mensonge peut cacher temporairement la vérité, mais il oublie qu’aucun nuage ne peut cacher éternellement le soleil ».

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