Centrafrique : La Cour pénale spéciale tiendra-t-elle compte du rapport d’Amnesty international dont voici la teneur ?

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Bangui, le 09 décembre 20

Le manque de volonté politique des autorités de transition contribue également à perpétuer l’impunité pour les atrocités commises en République centrafricaine. À maintes reprises, les autorités de transition avaient indiqué à l’opinion internationale qu’elles craignaient pour la stabilité du pays si elles ouvraient ou poursuivaient des enquêtes sur certaines affaires majeures. Souvent, elles ont affirmé que le temps de la justice n’était pas encore venu et qu’il valait mieux qu’elles concentrent leurs efforts sur des initiatives de réconciliation, comme le dialogue interreligieux et la médiation politique.

Certains autorités centrafricaines de l’époque  ont dit à qu’elles craignaient pour leur propre sécurité si elles autorisaient l’ouverture d’enquêtes. Mais ce qui est étrange, le 17 avril 2014, un coordonnateur autoproclamé des anti-balaka, Patrice-Édouard Ngaïssona, a été brièvement arrêté et interrogé par le parquet. Il a toutefois été libéré le jour même malgré les graves accusations qui pesaient contre lui.

Selon l’Amnesty International, «sa libération est intervenue à la suite d’intervention des autorités de transition, qui craignaient que sa détention ne crée des « troubles » à Bangui et dans le reste du pays et ne compromette leurs efforts de paix et de réconciliation ». On ignore si l’enquête va se poursuivre dans cette affaire. Dans d’autres affaires, les autorités de transition disposent de preuves directes qui pourraient permettre d’identifier les auteurs de crimes, mais ne lancent pas d’enquêtes ni de poursuites. C’est le cas par exemple dans l’affaire du lynchage et du meurtre d’un membre présumé de la Séléka, commis devant des journalistes nationaux et internationaux par d’anciens membres des Forces armées centrafricaines (FACA) le 5 février 2014, moins de cinq minutes après un discours de la présidente de transition sur la réconciliation et le rôle de l’armée. Les auteurs de ce crime étaient facilement identifiables sur la vidéo qui a circulé mais, au 9 juin 2014, soit plus de quatre mois après les faits, aucun d’entre eux n’avait été arrêté ni inculpé. Quand les délégués d’Amnesty International ont évoqué le sujet avec la présidente de transition lors d’une rencontre à Bangui en février 2014, les autorités ont affirmé qu’une enquête avait été menée.

Cependant, Amnesty International a pu vérifier que, fin juin 2014, aucune poursuite n’avait été engagée dans cette affaire. Outre les personnes ou groupes identifiables qui se cachent derrière les noms génériques d’anti-balaka ou de Séléka et leurs alliés respectifs, il existe un certain nombre d’autres personnes qui ont occupé ou occupent toujours des postes de responsabilité et qui ont semble-t-il laissé faire des atrocités sans intervenir. D’autres auraient ordonné de tels crimes pour diverses raisons, notamment à des fins politiques ou stratégiques, ou dans le but de terroriser les populations favorables à un groupe adverse, ou encore en représailles d’actes supposés avoir été commis par des adversaires. Dans certains cas, des commandants des milices anti-balaka et de la Séléka se sont publiquement auto-déclarés coordonnateurs de leurs factions respectives dans certaines zones où elles semblaient s’être rendues coupables d’homicides et d’autres crimes.

Amnesty International considère que de telles déclarations devraient donner lieu à des enquêtes de la part des autorités afin que ceux dont la responsabilité pénale est engagée soient effectivement poursuivis et punis si leur culpabilité est établie. Amnesty International craint aussi que la nomination à des postes importants de personnes République centrafricaine. Il est temps de rendre des comptes

Index : AFR 19/006/2014 Amnesty International – juillet 2014 ayant des liens avec les milices anti-balaka ou les forces de la Séléka et soupçonnées d’incitation à la violence ou de participation à des crimes relevant du droit international, dont des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, ne contribue à ce manque de volonté politique de combattre l’impunité en République centrafricaine. Par exemple, quelques jours après son élection en janvier 2014, la présidente de transition a nommé un certain nombre de ces personnes à des postes clés au sein des institutions gouvernementales.

C’est le cas notamment du capitaine Joackim Kokaté, coordonnateur autoproclamé des anti-balaka et ancien membre des FACA, nommé conseiller du Premier ministre, et de Léopold Narcisse Baro, lui aussi dirigeant anti-balaka autoproclamé, nommé ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement de transition. En février 2014, lors d’une rencontre à Bangui avec les autorités centrafricaines, à laquelle participaient la présidente de transition et ses principaux ministres, Amnesty International a exprimé sa crainte que ces nominations ne compromettent les efforts de lutte contre l’impunité pour les atteintes aux droits humains commises dans le pays. Un peu plus tard, le 6 mai 2014, la présidente de transition Catherine Samba-Panza s’est engagée à remanier son gouvernement pour qu’il n’exclue aucune tendance et qu’il soit plus représentatif.

Amnesty International a réaffirmé que les changements annoncés dans la composition du gouvernement ne devaient pas permettre à des personnes soupçonnées decrimes relevant du droit international d’entrer au gouvernement et de bénéficier ainsi d’une

Impunité. L’organisation a aussi appelé la présidente à faire le nécessaire pour que les responsables présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et d’autres graves atteintes aux droits humains soient soumis à des enquêtes et aient à rendre des comptes dans le cadre de procès équitables. L’impunité pour les crimes commis actuellement en République centrafricaine dépasse les frontières du pays. Certaines factions des milices anti-balaka sont semble-t-il liées à l’ancien président François Bozizé. Quand il était au pouvoir, l’armée nationale (les FACA) et son unité d’élite (la Garde présidentielle) étaient placées sous le contrôle du président. La Garde présidentielle était la force la plus puissante du pays et ses membres provenaient pour la plupart de l’ethnie gbaya, qui est celle de François Bozizé. Le président avait gardé pour lui le ministère de la Défense et nommé son fils, Jean-Francis Bozizé, directeur de cabinet de ce ministère. Tous deux ont fui le pays en mars 2013.

Un certain nombre de membres de la Séléka qui ont fui le pays vivent aussi parmi les civils dans des camps de réfugiés et de rapatriés situés principalement au Tchad, le long de la frontière entre les deux pays. À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête officielle n’a été ouverte par les autorités tchadiennes. D’autres commandants de la Séléka ont quitté Bangui pour le nord-est du pays, où ils continuent semble-t-il de commettre de graves atteintes aux droits humains. Malgré les difficultés évoquées ci-dessus, les autorités de transition, avec l’aide de la communauté internationale, ont l’obligation d’enquêter sur les accusations crédibles faisant état de crimes de droit international et de graves atteintes aux droits humains commises par les anti-balaka, la Séléka et leurs alliés respectifs, ainsi que par les forces tchadiennes. Elles doivent aussi engager des poursuites contre les auteurs de ces crimes et prendre des mesures concrètes pour empêcher les suspects d’échapper à la justice.

 

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