POURQUOI SE PRECIPITE-T-ON POUR DEPLACER BOZIZE EN GUINEE- BISSAU ?

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Bangui, le 01 mars 23

A peine a-t-on appris que le gouvernement américain a soufflé au président Touadéra un plan pour que ce dernier se sépare de ses anges protecteurs du groupe Wagner en échange d’avantages qui seront apportés par Washington à son pays, qu’en l’espace de seulement quelques jours après cette révélation une autre proposition s’inscrivant dans la suite logique est tombée, faisant tournebouler les esprits à Bangui : le président de la Guinée Bissau Umaro Sissoco Embalo aurait accepté l’offre des Etats-Unis d’accueillir sur son sol l’ancien président centrafricain et leader de la rébellion CPC qui s’est retranché à Ndjamena depuis janvier 2021. Pourquoi ça va si vite ?

Pourquoi ce regain d’intérêt à la situation en Centrafrique pour les hautes autorités américaines ? L’évidence de la réponse saute aux yeux : limiter l’influence de Moscou sur le continent.

On se souvient, l’année dernière le Congrès américain a adopté une loi anti russe au sens de limiter l’influence de Moscou en Afrique.  En effet le 27 avril 2022, le projet de loi soumis au Congrès américain par le démocrate Gregory Meeks, président de la commission des relations étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, a été adopté avec 419 voix « oui » contre 9 voix « non ». La manœuvre consiste à lutter contre les « activités malveillantes » de la Russie en Afrique.

Avec ladite loi, les États-Unis entendent développer une stratégie contre les activités de la Russie sur le continent, qui « sape ses objectifs et ses intérêts en Afrique ». La loi couvre également la surveillance étroite des tentatives d’influence politique, des activités de désinformation et des opérations militaires de la Russie. La loi porte également un droit de regard sur le renforcement des institutions démocratiques en Afrique, le suivi et l’évaluation dans les domaines de la transparence, la responsabilité, les droits de l’homme, la lutte contre la corruption, les ressources naturelles et l’exploitation minière, et le développement de principes de bonne gouvernance. Autrement dit une ingérence « positive », doit-on comprendre.

Après ladite loi, Washington a organisé mi-décembre un sommet Etats-Unis Afrique. Sommet au cours duquel la première puissance de la planète va s’illustrer encore en s’en prenant à la Chine et la Russie. Le 13 décembre, à l’ouverture de ce sommet, le gouvernement américain dénonce le rôle «déstabilisateur» de la Chine et de la Russie en Afrique, en déroulant à Washington le tapis rouge pour des dizaines de dirigeants africains et promettant des milliards de dollars d’aide dans le but affiché de regagner en influence sur le continent.

Ce sommet et tout son contour est suivi le mois courant, de l’inscription sur la liste noire américaine de terrorisme du groupe Wagner. Puis rapidement, on parle déjà de personnalités liées au Wagner placées sous sanctions, en particulier en Europe.

Comme on peut le voir, les Etats-Unis mènent une double bataille : sa guerre contre la Russie dans le but de limiter sa puissance aussi bien militaire qu’économique ainsi que son influence sur le continent d’une part, et pour se substituer à sa place ainsi qu’à la place de la France dans les Etats africains qui ont vomi cette dernière… Il en est de même de la Chine qui est considérée par Washington comme un ennemi potentiel. Le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin a déclaré dès l’ouverture du sommet : «la Chine étend son empreinte sur le continent quotidiennement (…) et cela pourrait avoir un effet déstabilisateur si ce n’est pas déjà le cas».

Le chef du Pentagone a poursuivi : «…La combinaison de ces activités de ces deux pays, je crois que cela mérite d’y prendre garde. Et il est clair que leur influence pourrait être déstabilisatrice».

Enfin pour clore, Washington a annoncé le décaissement de 55 milliards de dollars sur trois ans aux pays africains.

Ainsi selon les révélations du journal panafricain proche de Paris, Umaro Sissoco Embaló, président de la République de Guinée Bissau, a accepté que son pays devienne le nouveau lieu d’exil de l’ancien président centrafricain François Bozizé, résidant actuellement à N’Djamena.

Le journal écrit à ce propos : « Le chef de l’État bissau-guinéen a confirmé à Jeune Afrique avoir donné son accord de principe aux Américains, qui l’ont directement sollicité et pilotent discrètement ce dossier depuis plusieurs semaines. »

Au regard de ce dernier développement de l’actualité, il se pose la question de savoir : quels sont les intérêts des Etats-Unis en Centrafrique ? En réponse, nulle part il se trouve un quelconque investissement de capital moyen ou gros américain au pays de Boganda. Les tentatives de s’approprier des gisements pétroliers n’ont pas réussi par le passé et la RCA ne sait des Etats-Unis que ses aides multiformes, surtout en réponse pour des besoins humanitaires et quelque peu pour le renforcement de la cohésion sociale.

Ce qui pourrait apparaitre comme « intérêt » pour les Américains en Centrafrique, serait ces allégations d’exploitation des richesses du sol et du sous-sol du pays dans le sud-ouest précisément à Obo où, sous prétexte de traquer le chef rebelle criminel ougandais Joseph Koni, des GI’s ont passé près de dix ans dans cette partie, vivant à vase clos et menant leurs activités floues sans le moindre soupçon de la part des autorités de Bangui. On sait que récemment les Américains ont demandé à revenir dans cette partie du pays, mais que probablement ils se sont heurté au refus des autorités du pays. Peu importe si c’était suites aux observations des conseillers russes du président Touadéra…

Inutile de revenir sur la frilosité sinon le refus des autorités centrafricaines d’accepter la proposition américaine de chasser les combattants russes du groupe Wagner, la seule réponse qui vaille, c’est de dire : la RCA est ouverte à tous les partenaires ! C’est ce que Touadéra ne cesse de répéter depuis qu’il est harcelé par la France et l’Occident pour se séparer des Russes.

Où étaient-ils quand la RCA sous l’emprise des groupes armés depuis 2013, était menacée sur la base de son existence même ? Il est évident que s’il n’y avait pas cette guerre en Ukraine, les Centrafricains en seraient loin de soupçonner cette espèce de menace à la stabilité de la nation provenant d’une nation qui se dit la plus grande démocratie mais qui ne s’avise en rien de la souveraineté des Etats.

La précipitation avec laquelle cette manœuvre des Américains se déroule, participe bien de la pression globale des Occidentaux sur la Russie pour conduire à son échec en Ukraine d’une part. Et de chasser les Russes du continent au moment où ils sont de plus en plus préférés des Africains, d’autre part. Si très rapidement Bozizé accepte de quitter Ndjamena pour se réinstaller à Bissau, on pourrai s’attendre à une sorte d’ultimatum lancé à Wagner non pas par le président centrafricain, mais bien par le président des Etats-Unis pour pouvoir quitter la RCA. Peu importe la forme de la guerre qui sera livrée ensuite aux partenaires russes du pays tant ces derniers ne pourraient accepter de plier bagage et partir tête basse, mais il est vrai qu’il faudra s’attendre à une déstabilisation.

Cela signifie sur le fond que les pays africains où les Russes sont présents doivent s’attendre à un regain d’activités déstabilisatrices, d’une manière ou d’une autre. La Syrie sert d’exemple : la rébellion qu’ils continuent de soutenir s’est heurtée à une puissance de feu de Bachar el Assad grâce au soutien de la Russie. Malgré cela l’armée américaine reste campée illégalement sur une portion du territoire syrien sous prétexte de combattre Daesh et de soutenir les Forces démocratiques syriennes.

Finira-t-on par équiper et appuyer ouvertement des groupes armés existants en RCA sous le prétexte fallacieux de lutte pour la démocratie ?

@HERMAN THEMONA, 

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