‘’Nécessité de l’écriture d’une nouvelle Constitution Centrafricaine : incompétence du juge constitutionnel de contrôler le pouvoir constituant originaire’’, dixit Me Joseph Gnou, Docteur en droit et avocat

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Bangui, le 30 août 2022

La question de changement de la Constitution est l’actualité qui fait le buzz actuellement en Centrafrique. Les responsables des différentes entités se prononcent diversement sur le sujet. Des acteurs du Droit en passant par les politiciens et les universitaires, chacun sort ses arguments pour se défendre. Maître Joseph GNOU, Docteur en Droit Privé Général et Avocat aux Barreaux de Bordeaux et de Centrafrique, nous propose son analyse en tant que juriste.

Qui se donne la peine d’aborder le sujet de la révision constitutionnelle en Centrafrique, ne peut raisonnablement se garder de citer la fameuse phrase attribuée par Aristote et autres auteurs grecs à SOLON, Gouvernant Grec et législateur du 4ème siècle AV. J.C « La Constitution est établie pour un peuple, pour un temps ».

Depuis les réformes sociales entreprises par SOLON au 4ème siècle avant Jésus Christ, suivies des écritures des Constitutions d’Athènes et de Carthage, le sujet du caractère non immuable de la Constitution n’est plus dans les débats juridico-politiques, d’autant que la pensée de SOLON est devenue quasiuniverselle dans le monde démocratique moderne.

LA PENSEE DE SOLON SUR LA CONSTITUTION EST DEPUIS AU MOINS UN PEU PLUS 1000 ANS UN PARADIGME QUASI-UNIVERSEL DANS LE MONDE DEMOCRATIQUE MODERNE.

En ce qui concerne la problématique de révision de la Constitution Centrafricaine du 30 mars 2016, il me sera permis d’apporter alors les éclaircissements juridiques suivants :

CETTE CONSTITUTION DOIT ETRE REMPLACEE PARCE QU’ELLE EST OBSCURCIE PAR DES INTERPRETATIONS JURIDIQUES ERRONNEES. ELLE EST SOURCE D’ILLUSION JURIDIQUE.

2 La particularité de cette affirmation est vérifiable simplement par une lecture attentive et objective de plusieurs articles « dites intangibles » ou « non révisables» de cette Constitution, et leur mise à l’épreuve de la question des limites du pouvoir Constituant Dérivé d’une part ; de l’autre, du caractère illimité et incontrôlable par la Cour Constitutionnelle du pouvoir Constituant Originaire.

En premier lieu, remarquons que dans le préambule de cette Constitution, le Constituant a énoncé un certain nombre de motifs justifiant la rédaction de celle-ci, notamment : – Conscient que le suffrage universel est la seule source de la légitimité du pouvoir politique. – Conscient que….. le dialogue constitue le socle de la paix et l’unité nationale.

En deuxième lieu, dans le corps de cette constitution relatif à l’Etat et à la Souveraineté et à la révision, le Constituant énonce des principes suivants : – L’article 26 de cette constitution affirme que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce soit par voie de référendum, soit par l’intermédiaire de ses représentants.

– L’article 83 de cette Constitution, visant les rapports entre les pouvoirs l’exécutif et législatif, précise que L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et au Parlement statuant à la majorité des deux tiers (2/3) des membres qui composent chaque chambre. – –

L’article 152 dispose que la révision intervient lorsque le projet ou proposition présentée en l’état a été voté par le parlement réunit en congrès à la majorité des trois quarts (¾) des membres qui la composent ou a été adoptée par référendum. 3 – L’article 156 de la même constitution précise qu’en attendant la mise en place du Sénat, l’assemblée nationale exerce la totalité du pouvoir législatif. En considération de ses énonciations ci-dessus présentées, l’on est en droit de remarquer que seul le peuple souverain à la légitimité de détenir le pouvoir constituant qu’il exerce lui-même, par sa volonté d’établir une nouvelle constitution lorsqu’il est sollicité par voie de référendum (Pouvoir Constituant originaire) ou par ses représentants en matière de révision constitutionnelle, (Pouvoir Constituant dérivé).

Au regard de ce qui précède, l’on peut penser que les rédacteurs de de cette Constitution, dans la recherche de la consolidation de la démocratie centrafricaine, se sont montrés respectueux du pouvoir souverain du peuple.

Cette apparence s’est avérée trompeuse, au constat de l’insertion du caractère intangible ou non révisable des articles 35 et 153 de la Constitution qui rend compte d’une loi fondamentale rigide non adaptée aux réalités politico-sociales que connaît notre pays d’une part ; de l’autre et surtout, au constat d’une interprétation biaisée par ces mêmes rédacteurs de ladite Constitution, entretenant ainsi au sein des partis politiques de l’opposition, d’une partie de la classe politique et des sociétés civiles, l’illusion que le Président de la République ne peut pas juridiquement et légitimement solliciter la décision du peuple, sur la proposition de révision constitutionnelle, en recourant au référendum, pour une nouvelle écriture de la Constitution Centrafricaine.

Il s’en suit que les partis politiques de l’opposition se perdent en conjectures, lorsqu’ils considèrent que le Président violerait la Constitution, pour se donner un troisième mandat ; qu’il serait susceptible de haute trahison, etc… en choisissant le recours au référendum sur la proposition de révision constitutionnelle.

Objectivement, la procédure enclenchée ou qui sera enclenchée par l’ exécutif centrafricain a pour but d’aboutir à une nouvelle Constitution qui prend en compte nos propres réalités sociales et politiques fondées sur nos propres traditions multiséculaires et la situation de guerre militaro-politique imposée 4 à notre pays, avec les conséquences économiques et sociales qui nous subissons. De cette manière, les partisans du NON A LA REVISION CONSTITUTIONNELLE, se fondant sur des mauvaises interprétations juridiques de cette Constitution, ne sauraient ignorer que dans le cas précis, le Président n’a d’autre choix que de soumettre la question de cette révision, provenant du pouvoir législatif, au référendum, pour une nouvelle écriture de notre Constitution qui engendra un nouveau régime politique.

En cela, le Président de la République observe scrupuleusement la Constitution du 30 mars 2016. Son choix ne saurait souffrir de critiques, lorsque les dispositions finales de la nouvelle Constitution ouvriront la voie à d’autres mandats et abrogeront toutes dispositions antérieures contraires. Deux remarques s’imposent, pour finir cet article :

1 – EN CAS DE DE PROPOSITION DE REVISION, LE RECOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE AU REFERENDUM EST OBLIGATOIRE ET NON FACULTATIF.

En choisissant de présenter au référendum la proposition de révision, pour une nouvelle écriture de la Constitution, le Président de la République est bien évidemment respectueux des termes de la Constitution du 30 mars 2016. Son choix ne saurait encore souffrir de critiques sur des préjugés politiques lointains de ce qui nous préoccupe :

 LE CHANGEMENT DU REGIME POLITIQUE PAR L’ECRITURE D’UNE NOUVELLE CONSTITUTION.

Dans cette condition, les conséquences constitutionnelles sont les suivantes :

2 – LE JUGE CONSTITUTIONNEL EN CE CAS N’A PAS DE POUVOIR DE CONTRÔLER LE POUVOIR CONSTITUANT ORIGINAIRE QUI DECOULE DE SON CARACTERE SOUVERAIN.

Cette situation juridique et constitutionnelle trouve son fondement dans le Principe suivant :

Le Pouvoir Constituant Originaire ne peut être limité que par le Peuple Souverain. Aucune autre institution, voire la Cour Constitutionnelle ne peut limiter le Pouvoir Constituant Originaire. Ce pouvoir étant sans limite permet de légitimer des changements que le Président de la République et ses 5 majorités parlementaires ne pouvaient obtenir par la mise en mouvement des dispositions constitutionnelles découlant du pouvoir Constituant Dérivé. C’est la manifestation du principe constitutionnel suivant :

LE SOUVERAIN SEUL A LA COMPETENCE DE SES PROPRES LIMITES.

Le principe du recours au référendum par le Président de la République produit écarte de la Constitution toute rigidité, pour lui donner un caractère souple et évolutif, notamment le changement du régime politique. Le recours au référendum offre ainsi une possibilité d’évolution que n’offre pas le Pouvoir Constituant Dérivé limité par des prescriptions constitutionnelles, en cas de révision.

Moralité de cet article : Centrafricains gardez-vous des préjugés politiques, pour ne pas regarder pas l’avenir du Centrafrique par le prisme du Président de la République, Faustin Archange TOUADERA, il est simplement, comme nous, un humain et un mortel, la nation demeurera !

Maître GNOU Joseph, Docteur en Droit Privé Général,

Avocat aux Barreaux de Bordeaux et de Centrafrique.

Tel : 06 67 13 54 77 Email : gnoujoseph@yahoo.f

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