Bangui, le 24 janv. 23
Depuis plusieurs décennies, les régimes qui se sont succédés à la tête de la République centrafricain ne semblent pas avoir une vision claire pour l’armée notamment la question de la défense nationale. Ce qui a laissé libre-court aux ennemis venus de l’extérieur violer notre territoire au grand dam des autorités centrafricaines. Cette situation s’explique par la porosité de nos frontières qui permettaient à ces ennemis d’entrer en Centrafrique comme bon leur semble.
Ce n’est un secret pour personne que le non contrôle et la sécurisation de l’ensemble du territoire national a été à l’origine de l’instabilité chronique de la République centrafricaine. Les dirigeants successifs de la Centrafrique ont eu à faire les frais de ce manque de la politique de la défense nationale pendant leurs magistères. De Bokassa à Bozizé, en passant par Kolingba et Patassé, tous ou presque avaient connu l’incursion de certaines forces étrangères non conventionnelles sur le territoire centrafricain.
Et ce, soit pour utiliser le territoire centrafricain comme base-arrière dans l’optique de préparer une attaque contre le régime de leurs pays d’origine, soit pour d’autres trafics d’ivoire, diamants, et or. Ce qui a souvent pour conséquences fâcheuses la rupture des relations diplomatiques avec certains pays voisins ou crée souvent un climat d’insécurité lié à la présence de ces forces étrangères non conventionnelles en Centrafrique.
Sous le feu Empereur Bokassa, les rebelles au régime du feu Maréchal Mobutu venus de la République Démocratique du Congo ex-Zaïre avaient tenté de traverser depuis la préfecture de Mobaye afin d’y ériger une base-arrière. C’est grâce à une opposition catégorique du pouvoir de l’époque qui a pu déguerpir ces rebelles du territoire centrafricain. Sous Patassé, il y a eu la présence des éléments d’’un chef rebelle tchadien nommé Moïse Kété opposé au régime du feu Marechal Idriss Deby Itno. La présence de celui-ci a créé à l’époque une brouille diplomatique entre ce dernier et le Chef de l’Etat de l’époque jusqu’à ce que le Bozizé utilise cet argument pour faire tomber feu Président Patassé avec le soutien du dirigeant tchadien de l’époque.
Le régime de Bozizé a, à son tour connu ce phénomène avec l’incursion de certaines forces étrangères non-conventionnelle sur le sol centrafricain. C’est le cas notamment du mercenaire Abdel Kader Baba Laddé et ses hommes qui y étaient arrivés au motif de protéger les sujets peulhs qui seraient selon eux, persécutés en République centrafricaine.
Le Président Touadera, conscient que les multiples crises militaro-politique que la République centrafricaine a connues depuis plusieurs années n’ont pas été sans conséquences sur son armée, considérée comme un élément incontestable de la souveraineté, s’était engagé à travers des actions concrètes pour reformer les Forces de Défense et de Sécurité en général, et les Faca en particulier. En effet, redonner aux Faca ses lettres de noblesse par sa restructuration et sa redynamisation afin que celle-ci devienne républicaine, professionnelle, pluriethnique, apolitique, disciplinée et bien équipée. Une armée décidemment engagée à défendre le territoire national et protéger les institutions de la République face à toute éventualité venant de l’extérieur tout comme l’intérieur était le vœu pieux du Président Touadera.
C’est ainsi qu’il manifesté cette volonté par le passage de l’armée de projection à l’armée de garnison proche de la population. Telle est la promesse qu’il a faite à ses compatriotes lors de son discours élogieux à l’occasion de son investiture le 30 mars 2016 et réaffirmé en 2021.
Pour joindre l’acte à la parole, le passage de l’armée de projection à l’armée de garnison a pris corps avec la construction des casernes militaire de Bouar dans le Nord-Ouest et celui de Liton au Pk 22 sur la route de Damara qui s’inscrit dans la vision de la mise en œuvre du Plan National de Défense, approuvé en 2017 par le Président Touadera.
Au-delà de tout, il s’agit de la question sécuritaire qui demeure préoccupante en République centrafricaine. Il faut dire que les incursions de ces forces étrangères sur le territoire centrafricain n’ont été possibles que grâce à la porosité de nos frontières. Malgré les efforts considérables du gouvernement et avec l’appui des alliés et de la Minusca, le défi reste majeur.
Si l’inquiétude est grandissante ces derniers temps dans la capitale suite aux bruits de bottes à l’intérieur du pays, cette situation se justifie puisque certaines de nos frontières sont poreuses.
C’est le cas de la frontière qui relie la Centrafrique, le Congo Démocratique et Brazzaville qui se trouve à Mongoumba au Sud-Ouest du pays. Cette ville sert d’entrée et de sortie avec accès direct à travers le fleuve Oubangui. Par des bateaux, baleinière ou Hors-Bords, des milliers de personnes y font le va-et-vient et surtout en transportant des tonnes de marchandises. Si cette situation est un véritable atout économique, elle se présente aussi comme une véritable position stratégique militaire, vue son positionnement géographique.
Certes, surplace, le gouvernement a déployé toutes les corporations militaires à savoir, la Gendarmerie, la Police de frontière, la Douane et les Faca (Bataillon amphibie). Hélas sur le terrain se présente que toutes ces forces n’assument que 50% de leur rôle.
Pourquoi ? Parce qu’elles n’arrivent pas à assurer le contrôle fluvial faute de moyen logistique. Imaginez que pour tous ces corps armés susmentionnés, ils ne disposent d’aucun moyen de transport fluvial entre autres un mini hors-bord, un zodiaque ou une charrette pour leur permettre de faire la navette et assurer le contrôle sur le fleuve.
Il en est de même pour certaines frontières terrestre telles celles entre la RCA et le Tchad vers Sido, vers Birao avec le Soudan voire vers Beloko avec le Cameroun. Il faut dire que le sous-effectif au niveau de Beloko qui a permis à ces rebelles d’y sévir le week-end dernier. Partiellement l’absence des troupes au niveau de nos frontières avec le Tchad et le Soudan qui permet encore aux mercenaires et autres bandits de grand chemin qui continue de franchir librement ces frontières pour leurs sales besognes sur le territoire centrafricain.
Du coup, cette malheureuse situation ouvre la voie à un véritable circuit de contrebande et d’infiltration des personnes à moralité douteuse sur le territoire centrafricain. Un fait déplorable qui fait perdre beaucoup d’économie et met la vie de la République en danger du moment où le pays traverse encore une crise militaro-politique. Même si c’était en période paix, le principe de défense territoriale oblige à ce que toutes les frontières soient les plus sécurisées avec des bases militaires disposant des moyens logistiques conséquents.
Que peut-on faire pour résoudre ce problème qui nourrit la peur et met le Centrafricain dans une position de course de vitesse ? Seul le ministère de la défense nationale, celui de la sécurité publique et de l’intérieure et l’Etat-major des armées pourront donner la réponse à cette problématique.
@Herman THEMONA