Bangui, le 23 aout 23
La Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso et le Niger symbolisent à eux quatre, un recul sans précédent de la France en Afrique. Une perte d’influence de l’ancienne puissance coloniale qu’on ne peut ni nier, ni passer sous silence, tant elle est flagrante. Et c’est un bilan qui sera collé au passage d’Emmanuel Macron à la tête de son pays. Mais est-ce réellement lui le responsable de cette brusque accélération des choses ? Quels péchés lui sont-ils imputables, lui dont la jeunesse et l’irruption soudaine au-devant de la scène politique française, auguraient d’un meilleur virage dans les relations franco-africaines ?
Par ailleurs, quelle est la part d’héritage qui lui obstrue la voie ? Quels actes posés par ses prédécesseurs l’ont-ils empêché d’honorer sa promesse de refonte de la politique africaine de la France ? Peut-être qu’il y a sûrement les deux. Jeune et fringant, Emmanuel Macron, en arrivant à la tête de la France en 2017, avait contre lui son inexpérience et sa méconnaissance de l’Afrique, notamment la RCA. Mais il est tout aussi vrai que le contexte dont il pense pour malmener le pays de Barthelemy Boganda, est loin d’être un cadeau, la mentalité a changé.
Le contraste est saisissant. A sa proclamation comme vainqueur du second tour de la présidentielle française, le 7 mai 2017, Emmanuel Macron incarnait un symbole pour une frange importante de la jeunesse africaine voire centrafricaine. En faisant imploser les partis traditionnels français et surtout en arrivant à la tête de son pays à un si jeune âge, il redonnait un certain espoir à de jeunes loups politiques du continent ayant trop longtemps enduré le diktat des « dinosaures » réfractaires à l’alternance à la tête des partis politiques. Mais, seulement quelques années après, ce même Macron est la cible des jeunes africains et Centrafricains qui contestent sa mauvaise politique qui est à la cause de la « rupture » visible de la françafrique.
Que s’est-il passé pour que celui qui devait incarner la rupture de la Françafrique soit perçu comme le continuateur attitré de cette relation incestueuse entre la France et ses anciennes colonies ? Une première réponse réside dans l’héritage légué à ce jeune président, à son arrivée à l’Elysée. En effet, de quoi a-t-il hérité ? D’une relation franco-centrafricaine déjà perçue comme étant largement défavorable voire néfaste aux Centrafricains. Le processus de dénonciation et de remise en cause de la coopération entre la RCA et la France est en cours depuis longtemps. On avait d’abord pensé que c’est Sarkozy qui opérerait la rupture. Puis, Hollande, le socialiste. Deux éléments ont souvent été mis bout-à-bout pour légitimer la dénonciation de la France.
D’abord, le peu d’impact que cette relation a eu sur le quotidien des Centrafricains. Ensuite, le soutien que l’ancienne puissance coloniale a souvent témoigné à l’égard de dirigeants dénoncés pour prévarication économique ou violation des droits humains. Un autre élément de cet héritage, c’est le soutien aux fauteurs de trouble dont le lien avec l’insécurité qui s’est généralisée dans le pays fait l’unanimité au niveau des observateurs. Emmanuel Macron n’a donc pas hérité du meilleur des contextes. Mais on ne peut pas dire qu’il a aidé à arranger les choses. Loin de là. D’abord, il n’est pas sûr qu’il ait toujours compris ce qu’impliquait sa promesse de réformer ces relations franco-centrafricaines.
Disant avoir écouté et entendu les critiques de la condescendance et du paternalisme français, il (Macron) a, à chaque fois promis de substituer à ceux-là, humilité et respect de la RCA. Mais dans les faits, il n’a pas toujours réussi à matérialiser cette promesse. La dernière illustration de cette incapacité réside dans les blocages au niveau du Conseil de sécurité pour la levée de l’embargo sur les armes à destination de la RCA, les financements extérieurs venant de la part des Institutions de Breton-Wood et des pays amis. Dans un contexte où il était évident que le rejet de la France ferait l’objet d’instrumentalisation, la France aurait dû y aller avec plus de discrétion. Mais au lieu de cela, et lui et sa ministre des Affaires étrangères, Catherine Colona, se sont fendus de déclarations tonitruantes et belliqueuses particulièrement contreproductives. D’autant que les opposants au régime de Touadéra passent déjà pour une officine au service de Macron.
De même, il y a quelques mois, en RDC, il avait quelque peu heurté les Congolais en tentant maladroitement de défendre son ancien ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, à propos de la formule du « compromis à l’africaine ». S’étant quelque peu « droitisé », le président français mène également une politique migratoire qui fait de lui, un co-responsable des drames humains qui se jouent dans le désert du Sahara et en mer méditerranée. Emmanuel Macron a par ailleurs, fait montre d’une incohérence qui ne pouvait que brouiller son message.
En fin de compte, la jeunesse qui devait lui servir d’atout, passe pour un défaut pour Emmanuel Macron. Parce qu’il était sans doute trop jeune pour avoir une claire conscience des défis qui l’attendaient sur le terrain centrafricain. Sans grande expérience de la gestion de l’Etat, il aura aussi péché par une certaine suffisance qui l’incline à ne ni consulter, ni écouter et finalement à persister, même quand il est dans l’erreur. Parce que n’ayant pas acquis la sagesse d’admettre que « tout-puissant français » président qu’il est, il se trompe. Conséquence, son pays perd du terrain au profit de la Chine, de la Russie, de la Turquie, de l’Inde, du Japon, de l’Angleterre, de l’Allemagne, l’Israël, entre autres.
@Louis Gbokoché