Centrafrique : le MLPC et ses 40 ans d’existence

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Le parti Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC) célèbre le 22 février de chaque année, l’anniversaire de sa création. Pour cette année 2019, le MLPC a placé cette date sous le signe de la détermination dans la poursuite de la lutte politique. Autrement dit, le MLPC est debout comme l’a souligné son président Martin Ziguélé lors d’un point de presse organisé à Bangui. Ci-dessous, l’intégralité de son propos-bilan fait sur le MLPC à l’occasion de la célébration de cet anniversaire.

PROPOS LIMINAIRES AU POINT DE PRESSE

DU PRESIDENT MARTIN ZIGUELE

A L’OCCASION DU 40ème ANNIVERSAIRE DE LA CREATION

DU MOUVEMENT DE LIBERATION DU PEUPLE CENTRAFRICAIN (MLPC)

 

                 BANGUI, LE 21 FEVRIER 2019

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22 février 1979- 22 février 2019, voilà 40 ans, presque jour pour jour, qu’est né notre Parti, le Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain (MLPC). Demain, nous célébrerons ensemble ce 40ème anniversaire, et cet exercice est inhabituel en Afrique, et plus particulièrement dans notre jeune démocratie centrafricaine, où rares sont les partis politiques qui survivent à leurs fondateurs et arrivent à cet âge canonique.

En effet, le MLPC n’est pas né au pouvoir, dans les privilèges et les facilités qu’offre généralement en Afrique une telle position. Bien au contraire, le MLPC est né contre le pouvoir , dans le feu de la lutte politique contre l’absolutisme et la privation totale des libertés élémentaires que notre peuple et notre pays a endurés sous l’Empire.

Souvenez -vous du climat politique dans l’Empire centrafricain à la fin de l’année 1978. A la rentrée scolaire d’octobre de cette année-là, un décret impérial avait été pris, instituant le port obligatoire de tenues aux élèves et écoliers, alors que les salaires de leurs parents étaient impayés. Des contrôles stricts étaient organisés à la rentrée de janvier 1979, et les élèves et écoliers qui n’arboraient pas cet uniforme étaient purement et simplement renvoyés dans leurs foyers. La colère grondait dans le cœur des centrafricains à qui toutes les libertés étaient inconnues.

C’est dans ce contexte que s’organisera la résistance à cette mesure impériale, qui débouchera sur les plus grandes manifestations d’élèves et d’écoliers que le pays ait connues, encadrées et solidement soutenues par leurs enseignants, avant de se transformer en émeutes populaires. Les populations civiles se battaient à mains nues contre les forces de l’ordre, et cela a provoqué des sanglantes et cruelles répressions de la soldatesque impériale, entrainant plusieurs dizaines de morts et des arrestations massives d’élèves et d’écoliers.

Devant la répression aveugle et la terreur, des jeunes enseignants syndiqués, se sont réunis clandestinement et ont décidé d’organiser la résistance populaire autour d’un objectif précis: obtenir le départ de l’Empereur, rétablir la République et instaurer la démocratie. Il s’agissait de PAMADOU-PAMOTO Paul, BALEZOU Abdel Aziz, OUAKANGA Francis Albert, KOSSIBELA Denis et MAZETTE Jacquesson. Il établirent le contact avec les leaders étudiants dont les principaux animateurs étaient Albert NDODE, alias Malabar et Joseph AGBO. La mobilisation populaire allait crescendo ainsi que la répression et les arrestations des manifestants.

C’est ainsi que le 22 février 1979, ces compatriotes ont décidé de créer dans la plus stricte clandestinité un parti politique de type révolutionnaire, progressiste et anti-impérialiste pour structurer et amplifier la lutte. Ainsi est né le MLPC autour de trois objectifs principaux:

  • Provoquer la chute de l’Empire et le retour à la forme républicaine de l’Etat, telle que l’avait voulu le Père Fondateur Barthélemy Boganda
  • Instaurer la démocratie avec un multipartisme intégral
  • Procéder à des transformations économiques et sociales débouchant sur le mieux-être de chaque centrafricain.

La lutte aura été rude et terrible. Elle a été écrite en lettres de sang, le sang de nos compatriotes enseignants, élèves et écoliers, le sang de leurs parents, et celui des centrafricains anonymes en cette horrible année 1979. C’est l’une des raisons pour lesquelles dès son accession au pouvoir, le régime issu du MLC a tenu à construire le Monument des Martyrs.

Finalement, l’Empire s’effondrera en septembre 1979, clôturant ainsi avec succès la première phase de la lutte du MLPC : la chute de l’Empire et la restauration de la République. Il restera les deux autres phases: la lutte pour la démocratie et la conquête du pouvoir politique. Elles marqueront les séquences suivantes de l’histoire de notre Parti.

En effet, après la chute de l’Empire, le MLPC luttera pour un grand débat national afin de jeter  consensuellement les bases de la nouvelle République aux côtés d’autres formations tels que le FPO/PT du Professeur Abel Goumba et le GIRA de François Péhoua . Cette lutte commune aboutira au Séminaire National de Réflexion de mars 1980, qui décidera de l’instauration du multipartisme intégral et l’organisation d’élections multipartites de mars 1981. Ces élections verront leurs résultats contestés et les manifestations qui s’en suivirent aboutiront à la démission du Président Dacko et le passage de témoin à l’armée. Les libertés nouvellement et chèrement acquises seront restreintes par le pouvoir militaire et ces contradictions aboutiront à l’accusation portée contre le MLPC d’avoir fomenté la tentative de putsch de mars 1982.

Il s’ensuivra la persécution et l’arrestation de plusieurs dizaines de cadres du MLPC et le départ en exil au Togo de son leader, le Camarade Ange Félix Patassé. Le Parti sera dirigé par feu le Camarade Hughes Dobozendi qui conduira le MLPC à la victoire électorale en septembre 1993, après moult péripéties. Cette victoire électorale du MLPC signera l’arrivée au pouvoir pour la première fois dans notre pays d’un Parti politique né hors du pouvoir, consolidé dans la clandestinité et qui parviendra au pouvoir de l’Etat grâce à l’engagement de ses militants.

Cependant, cette première alternance s’est opérée dans un tableau de fracture politique et sociale prononcée, et vécue comme un drame par une frange de la population, face à une autre frange qui la vivait comme une délivrance. En plus, le déséquilibre entre les attentes légitimes du Peuple et les réponses d’un Exécutif naissant, le lourd passif économique et social légué, auxquels il faut rajouter les conséquences des grandes décisions économiques internationales dont la dévaluation du franc CFA avec ses conséquences pour une économie fragilisée par plusieurs années de troubles sociaux, n’ont pas permis au MLPC de conduire le pays tout entier vers le bien-être espéré.

Ainsi, ces différentes contradictions se concluront par plusieurs mutineries militaires, et le climat de défiance généralisé conduira au coup de force du 15 mars 2003, qui abrègera l’expérience démocratique et sèmera la graine d’un certain nombre de contre-valeurs du passé dont on croyait à tort les pages tournées.

Comme de coutume en Afrique, et singulièrement dans notre pays, la perte brutale du pouvoir par la force se traduit pour les anciens dirigeants par la prison, l’exil ou la relégation à domicile, et hélas souvent la mort. Ce fut le cas pour le MLPC dont le Président repartira en exil pour la seconde fois au Togo, et beaucoup de responsables de notre Parti embastillés à Bangui et en province. Moi-même, après trois mois de refuge au BONUCA puis à l’Ambassade de France à Bangui, je prendrai le chemin de l’exil en France en juillet 2003.

Le nouveau pouvoir issu du putsch s’est également mis en tête de fragiliser le MLPC en tentant de le diviser de l’intérieur, en exploitant les frustrations parfois réelles des militants; c’est ainsi que naquit le MLPC Courant Originel en abrégé MLPCO. Le Parti a fonctionné pendant presque quatre ans dans la division, avant que suite à un sursaut militant, lors du Congrès de juin 2007, le MLPCO soit revenu dans la grande famille, et le MLPC s’est réunifié.

Entretemps, nous avons dû participer aux élections de 2005 où le Parti arrivera au second tour, avant de perdre les élections dans des conditions connues désormais de tous, grâce aux révélations d’acteurs de premier plan de l’époque. Puis ce furent les élections de 2011 de triste mémoire et enfin celles de 2015, que le Parti perdra dès le premier tour, essentiellement à cause de la double calomnie jetée sur notre Parti, à savoir que le MLPC serait complice des Sélekas, et également que je serais candidat de la France. Naturellement, lorsque vous êtes calomniés, il en reste quelque chose dans la conscience collective, et nos adversaires politiques, anciens et nouveaux, ont tiré jusqu’à satieté sur cette corde, rivalisant de fausses révélations, de faux décrets et de fausses interviews.

Aujourd’hui, après 40 ans de lutte, le MLPC est debout . Notre  histoire, dont j’ai sauté certains épisodes, nous inspirent les réflexions suivantes:

  • Le MLPC a été créé par des compatriotes provenant de toutes les régions de notre pays. Son premier Président Paul Pamadou Pamoto, est originaire de Mobaye dans la Basse-Kotto. L’arrivée du Président Patassé à la tête du Parti en septembre 1979 lui a permis de donner une stature plus robuste et plus visible au Parti, compte tenu de son charisme et de sa connaissance du pays en sa qualité d’ancien Premier ministre. La stratégie de recrutement des militants élaborée par le Camarade Ange Félix Patassé était simple mais s’est revelée d’une redoutable éfficacité. Je le cite: « j’invite tous les militants du MLPC à venir au Parti avec leurs familles, leurs ethnies et leurs régions, et nous formerons la grande famille du MLPC« . Le Président Patassé ayant été contraint à l’exil au Togo de 1982 à 1992, le Parti a été dirigé par le camarade Hughes Dobozendi, Président du Bureau Politique provisoire, jusqu’au premier congrès du Parti en Suite à ce congrès, le Camarade Ange Félix Patassé dirigera à nouveau le Parti de 1995 à 2006. Le MLPC n’est donc pas et n’a jamais été un Parti ethnique, régional ni familial comme d’aucuns ont tenté de le dire en 1980 et d’autres s’évertuent encore à le dire aujourd’hui
  • La démocratie interne est une réalité au sein du MLPC depuis sa création. Aucun responsable du Parti n’a été désigné ni coopté ni encore moins nommé par le Président du Parti à une responsabilité quelconque. Tous les responsables à tous les échelons et dans tous les organes sont élus par les militants dans les conditions prévues par les Statuts et Règlement intérieur du Parti;
  • Le MLPC est un parti initialement « révolutionnaire » comme on disait à l’époque. Aujourd’hui il est un parti progressiste et d’obédience social-démocrate et socialiste. Le MLPC est membre de plein droit de l’Internationale socialiste, membre du Comité Directeur de l’Alliance Progressiste Mondiale, Membre Fondateur de l’Alliance des Partis Progressistes de l’Afrique centrale et membre du Comité Afrique de l’Internationale socialiste.
  • Le MLPC, parti de lutte et parti des luttes, doit évoluer et s’adapter au nouveau contexte de notre pays et de notre démocratie. La session du Conseil Politique National du Parti qui suivra la célébration de ce 40ème anniversaire du 25 au 27 février 2019 s’est fixée des objectifs ambitieux: elle fera le point des évolutions nécessaires, notamment la relecture de nos textes de base , le renforcement des structures dirigeantes, la réorganisation spatiale du Parti et la recherche de l’unité et de la réconciliation , afin de reconstituer la grande famille du MLPC pour continuer efficacement la mission des Pères Fondateurs du Parti.
  • Voilà Mesdames et messieurs, le message que je souhaite adresser en prélude à vos questions. Je vous remercie

 

 

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