Centrafrique : La RCA pourrait se qualifier d’un Qatar de l’Afrique Centrale si les éternels opposants extrémistes cessent avec leurs brouilles égoïstes ?

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Bangui, le 23 oct. 21

Le titre est certes excitateur, mais mérite une réflexion sur quelques pays qui ont su se développer grâce à leurs ressources naturelles. L’expansion spectaculaire du Qatar est étroitement liée à l’exploitation du gaz générant d’énormes recettes qui ont d’ailleurs permis de constituer le Qatar Investment Authority, le fonds d’investissement souverain de l’émirat, actionnaire dans les plus beaux fleurons de l’économie mondiale, notamment dans l’immobilier et hôtellerie, le sport, la finance, le secteur automobile et aéronautique, etc. Pour resituer dans le contexte africain, le Botswana considéré comme le gros producteur de diamant du monde a su, grâce à la gouvernance hors pair de ses dirigeants, utiliser ses ressources diamantifères pour financer des dépenses publiques liées à la santé et l’éducation.

A titre de comparaison, le Centrafrique, un producteur de diamant qui oscille entre la 10ème et la 14ème du classement mondial, recelant également dans son sous-sol du pétrole, de l’uranium et de l’or, n’a jamais été capable de financer des programmes d’infrastructures de grande envergure.

Faire de la Centrafrique une nation émergente va dépendre de la volonté politique, particulièrement celle d’un seul homme, le chef de l’Etat, dont le portrait-robot ressemblerait à celui d’un visionnaire et « président bâtisseur » doté d’un véritable leadership, c’est-à-dire ayant cette capacité de faire adhérer tous ses projets de développement du pays à ses ministres et autres collaborateurs, assortis d’une obligation de résultat, et de donner envie à ses troupes de le suivre en toute circonstance dans son action.

Voici 5 pistes qui permettraient au Centrafrique d’appliquer une gestion rigoureuse de ses pierres précieuses, aboutissant à l’amélioration de ses performances en matière économique.

Reconquérir toutes les villes diamantifères est un impératif…

Le président centrafricain, quel qu’il soit, aura la lourde tâche de créer une nouvelle police et reconstruire une armée nationale en installant des garnisons dans les régions délaissées par l’Etat, en vue de juguler autant que possible la menace des mouvements rebelles et autres seigneurs de guerre. Toutefois, il doit prendre conscience que le diamant fait partie intégrante des « intérêts vitaux de la nation » et que tous les moyens doivent être mis en œuvre pour sécuriser les villes diamantifères contrôlées par les contrebandiers dans le but de préserver la sécurité économique du pays, si ces derniers portent atteinte à ces intérêts : les centres névralgiques de Carnot, Boda, Berbérati, Bria, Ndélé, Bouar, Nola, Bangassou ou Sam Ouandja, etc.

De même, la sécurisation d’autres territoires regorgeant de l’or, du pétrole et de l’uranium devient également primordiale : les mines d’or de Ndassima et de Gaga, les sites pétroliers de Doseo, Bagara, Salamat, Gordil et Boromata, le gisement d’uranium à Bakouma, etc.

Le président devra oser placer la barre très haute en sollicitant l’expertise des géants du secteur…

D’une manière générale, le diamant est exploité de façon artisanale ; autrement dit les artisans, baptisés les « Nagbata », utilisent des outils rudimentaires tels que des pioches, des pelles et les tamis à pierre pour récupérer ce minerai, dont une bonne partie de la production échappe à tout contrôle et fait l’objet d’un commerce illicite, notamment dans des zones où les groupes armées font la loi.

Il est grand temps d’envisager une exploitation industrielle du diamant, grâce à l’utilisation de dragline, de dynamite ou de pelles hydrauliques. Les autorités devraient entamer immédiatement des négociations avec des compagnies minières dotées une expertise reconnue telles que le Sud-africain De Beers, le Russe Alrosa, l’Anglo-Australien Rio Tinto ou BHP Billiton tout en évitant de reproduire les mêmes erreurs qui avaient contribué à enclencher des guerres civiles au Sierra Leone, en République Démocratique du Congo ou en Angola.

Une délocalisation des unités de transformation du diamant vers la RCA garantirait une maitrise totale de la « chaine d’approvisionnement »…

Actuellement, la majorité des diamants bruts extraits du sous-sol africain sont transformés en Europe. Autrement dit, la plupart des pays producteurs en Afrique se contentent d’exporter les pierres précieuses à l’état brut, les ateliers de taille de diamants opérant principalement hors du continent, notamment en Europe.

L’idéal pour les autorités est d’engager des négociations avec les principaux acteurs du marché qui délocaliseraient, en cas de conclusion d’un accord, une partie de leurs activités vers le Centrafrique, c’est-à-dire en implantant sur son sol les industries qui permettent de transformer le diamant brut en diamant taillé : le marquage de la pierre précieuse, le clivage, le sciage, le débrutage et le polissage.

Le transfert de ces activités relatives aux différentes étapes de la taille du diamant donnerait l’occasion à l’Etat centrafricain d’imposer le recrutement et la formation du personnel local. Cependant une délocalisation réussie exige un programme de grands travaux visant à assurer un approvisionnement régulier en eau et en électricité et construire des infrastructures routières de haute qualité.

Vers la mise en place d’une bourse du diamant en Centrafrique…

Les autorités des pays de la zone CEMAC – la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale regroupant le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Congo-Brazzaville, Tchad et la Centrafrique – avaient appuyé un projet de création d’une Bourse de valeurs régionale destinée aux PME qui souhaitent lever des capitaux, davantage pour des raisons de prestige et d’orgueil – parce que cela faisait « bien » de déclarer au monde entier qu’on était doté d’une place financière au même titre que Paris, New York ou Londres – sans en étudier véritablement la faisabilité. Une dizaine d’année plus tard après la concrétisation du projet, force est de constater que les résultats des deux bourses de valeurs qui opèrent en Afrique centrale, la Bourse des Valeurs Mobilières en Afrique Centrale (BVMAC) et la Douala Stock Exchange (DSX) se soldent par un échec cuisant.

A contrario, aucun expert en la matière n’a réfléchi à la mise sur pied d’une Bourse du diamant qui pourrait propulser la RCA vers les sommets. Actuellement le prix du diamant brute ou taillé se négocie dans 28 bourses dédiées à cette pierre précieuse, parmi lesquelles celles d’Anvers, Tel-Aviv, Bombay, Dubaï, Shanghai, New-York et Londres, des centres de négoce considérés comme les plus importants au monde, protégeant jalousement leurs intérêts au sein de la World Federation of Diamond Bourses, une organisation fondée en 1947. Il est anormal que l’un des gros producteurs de diamant au monde comme le Centrafrique voit le prix de sa production diamantaire se négocier hors de ses frontières et celles du continent africain.

Les autorités du pays devraient songer sérieusement à mettre en place une plateforme financière de ce genre et devenir un haut lieu du négoce, ce qui lui permettrait de mieux contrôler la fixation des prix du diamant.

Pour une transparence accrue de la vie publique…

Afin de lutter efficacement contre l’enrichissement illicite portant sur le diamant, l’Assemblée Nationale centrafricaine devrait inscrire à son agenda la loi relative à la déclaration de patrimoine sur un site Internet. Les déclarations en ligne contiendraient, entre autres, les publications des sommes détenues sur des comptes bancaires établis en Centrafrique et à l’étranger, ainsi que le prix des logements et des voitures dont ils sont propriétaires. Les personnes concernées par cette mesure de transparence seraient le Chef de l’Etat lui-même, les membres du Gouvernement et les Députés. D’une manière générale, les citoyens centrafricains pourraient s’assurer de la réputation de probité et d’intégrité à laquelle leurs élus prétendent.

@Pierre BECHEGO

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