Ce que la génération actuelle ignore du devenir de la RCA

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Si les agitations des ennemis de la paix qui font leur grand retour ces derniers temps en Centrafrique préoccupent, c’est surtout parce qu’ils sont haïs par le peuple centrafricain, les uns après les autres. A Bangui, avec l’arrivée au pouvoir du président Touadéra qui est accueilli par une liesse populaire et que les œuvres de ce dernier continuent pour le bonheur de ses compatriotes. Pourquoi ce comportement paradoxal de la part des opposants politiques qui est portant – au même moment – porté vers les revendications anti-démocratiques. Très peu cultivés, n’étant pas nécessairement rigoureux dans son raisonnement et désabusés par une irresponsabilité de leurs partis politiques, les opposants qui déroulent le tapis rouge en faveur des troubles dans le pays n’ont souvent pas le recul nécessaire pour faire une appréciation juste des bonnes actions que mène le président Touadéra en faveur de son peuple.

Après ce qui se passe durant plusieurs années dans le pays, on peut s’autoriser à dire que la RCA ne veut plus renouer avec les troubles et veut marquer une rupture avec une tradition antidémocratique qui semblait devenir la norme des « pouvoiristes ». Ces nouvelles tendances politiques ont semblé, bénéficier d’un certain soutien auprès des puissances extérieures. Comment expliquer une telle situation dans un pays avec des tendances qui ont porté les grands combats de la démocratie ? Comment expliquer cette résurgence en Centrafrique des politiciens qui militent pour l’instabilité dans le pays ?

La principale hypothèse de cet article présume que les Centrafricains ignorent l’historiographie des régimes politiques qui, lorsqu’ils arrivent au pouvoir, recourent, comme tous les régimes en mal de légalité, à l’instrumentalisation du peuple et particulièrement celle urbaine par des actes catégoriels étiquetés et marqués par la volonté d’opposer (jeunes contre vieux, femmes contre hommes, les gens du citoyen lambda contre ceux d’en-haut, le savoir contre le patriotisme, la droite à la gauche, les Etats-Unis à l’Iran, Corée du Nord, Chine, l’Israël à la Palestine, la France à la Russie, le ciel à la terre), l’exhibition et l’humiliation des personnalités qui exerçaient le pouvoir, l’achat de certains leaders d’opinions.

Les coups d’État en Centrafrique est une pratique très ancienne. La compilation faite indique qu’entre 1970 et 2010, « pas moins de 15 coups d’État manqués y ont été ratés et 2 réussis et ont permis à leurs auteurs d’atteindre leur objectif, au moins temporairement », c’est-à-dire, la prise du pouvoir par la force. Ces opinions révèlent que c’est en Centrafrique que l’on compte le plus grand nombre de tentatives de putsch (Des coups d’État réussis et de très nombreuses tentatives).

En Centrafrique où survient un coup d’état, la rhétorique est connue et bien rodée : « l’ancien est pourri, le nouveau est saint et porteur de progrès, de liberté et de développement ». On l’a entendu dans la mesure où, certains leaders politiques ont  invoqué par mauvaise foi, la déliquescence du régime Touadéra et son incapacité malgré les efforts engagés à rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire voire la paix.

En Centrafrique, sous le général d’opérette François Bozizé, la rébellion, enclenchée s’est achevée par la prise du pouvoir. Pour les séléka qui ont pris le pouvoir, le déchu Bozizé « n’a pas réussi à unir la nation et à gérer efficacement la crise sécuritaire et autres qui menacent même les fondements de la nation » et face à « l’incapacité manifeste du pouvoir de François Bozizé », il a fallu agir pour prendre le pouvoir.

Toujours, les arguments avancés par les séléka ont porté sur la « gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique dans certaines régions du pays, notamment la Ouaka, la Haute-Kotto, le Bamingui-Bangoran, le Vakaga, le Mbomou, la Nana-Grbizi » et le souhait de « rendre la liberté au peuple ». Pour les leaders politiques, « Si le peuple est écrasé par ses propres élites, c’est à eux, les opposants assoiffés du pouvoir de donner au peuple son bien-être ». En Centrafrique sous Touadéra, les arguments avancés concernant « la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », semblent tirés par les cheveux et peinent à convaincre.

« Nous sommes toujours à vos côtés, pour remercier le peuple centrafricain pour son soutien. Nous n’avons fait qu’accomplir le travail que vous aviez demandé et nous nous reconnaissons dans votre combat », dira le président Touadéra qui est toujours à l’écoute de son peuple, rien que pour le servir.

Tous les coups d’États en Centrafrique, ont été accueillis par une certaine liesse populaire de contre volonté dans la capitale. Certaines plus importantes que d’autres, certes. Mais aucun coup d’État n’a engendré un refus populaire comme ce fut le cas en Russie avec Boris Eltsine sur un char de combat ou en Turquie avec des milliers de citoyens sur un pont tentant de bloquer l’avancée des soldats. Les raisons de cet accueil enthousiaste des jeunes africains sont autant politiques, socioéconomiques que de la psychologie des foules.

D’abord et avant tout, il est important de dire que les coups d’État réussissent en raison des dysfonctionnements de l’État et en particulier de ses services régaliens (armées, services de sécurité, justice, etc.). Ils réussissent aussi en raison de la faiblesse et même de la déliquescence des institutions républicaines, des dirigeants corrompus, coupés du peuple et vivant dans un luxe insolent et qui nargue la pauvreté et le chômage structurel de la population, avec des jeunes détenant des diplômes qui ne valent rien en termes de compétences, et sont donc très massivement au chômage.

Enfin, derrière des gens qui manifestent sur les réseaux sociaux et qui utilisent leurs agitations sanguinaires pour prendre le pouvoir, il y a toujours des acteurs politiques qui appellent ouvertement et parfois dans l’obscurité de la nuit à agir et des puissances internationales qui accompagnent et/ou donnent des signaux de défiance envers le régime en place. C’est le constat fait par certaines langues lorsqu’elles disent : « Si ce sont souvent des membres civils d’un gouvernement qui commencent un coup d’État, l’armée joue un rôle plus tard, en acceptant ou non de suivre les nouveaux dirigeants. »

En conclusion, la RCA a vécu pendant depuis des décennies avec des partis politiques qui prônent de fait et/ou de droit, leurs activités au nom du développement. Dans les années 1990, lorsque la démocratie a été expérimentée, aucun de ceux qui avaient sacrifié la démocratie au développement n’a obtenu ni l’un, ni l’autre. Il est aussi temps d’arrêter de faire croire que la démocratie est responsable du retard de la RCA. Car c’est totalement faux. La démocratie est un instrument de gestion des tensions au sein d’une société organisée. C’est un mode d’organisation de la société avec des règles simples et acceptables pour accéder au pouvoir et le quitter (un homme égal une voix, tous égaux devant la loi, la séparation des pouvoirs, la limitation des pouvoirs des uns et des autres, la liberté de penser, de circuler, de se réunir, de manifester, etc.). C’est donc une forme d’organisation pour gérer les tensions, les désaccords et les ambitions qui sont le propre de la vie collective où existent des richesses matérielles et symboliques, des femmes et des hommes avec des idées diverses.

@Léo Moro Ehombo

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