Pourquoi la France est-elle aujourd’hui si impopulaire en Afrique ?

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Bangui, le 04 février 22

Le président français Emmanuel Macron augmente l’aide au continent, commence à restituer les objets culturels volés pendant les guerres coloniales et va au-delà des liens intergouvernementaux habituels pour impliquer les jeunes générations et la société civile. Pourtant, son pays est désormais la cible de plaintes et de critiques africaines aigries, à une échelle probablement sans précédent.

L’on se rappelle qu’au mois de septembre 2021, le Premier ministre malien Choguel Maïga a été accueilli par une vague de commentaires sympathiques lorsqu’il a profité d’un discours à l’ONU pour accuser la France d’abandonner son pays en plein vol, après que M. Macron ait commencé à réduire le déploiement de troupes dans le pays.

Parmi les commentateurs, il est désormais courant d’entendre des appels à l’abolition du franc CFA – la monnaie régionale utilisée par de nombreux pays francophones et qui est arrimée à l’euro sous la garantie du gouvernement français. Ses détracteurs affirment que cela permet à la France de contrôler les économies des pays qui l’utilisent, tandis que la France affirme que cela garantit la stabilité économique.

Comment expliquer ce paradoxe ? Comment se fait-il qu’un président plus soucieux de l’Afrique que la plupart de ses prédécesseurs récents, et plus conscient aussi de la façon dont le continent change, se heurte à un niveau d’impopularité française qui n’a pas été ressenti depuis des décennies ?

La méthode Macron peut-elle nuire à l’ouverture d’un nouveau chapitre africain ? Mais avec l’arrivée au pouvoir de M. Macron, la France a eu un président pleinement conscient de la nécessité d’un changement – et disposant du poids politique et de l’enthousiasme personnel pour s’attaquer à la tâche.

Le Commonwealth, contrairement à la Francophonie, semble avoir gagné en réputation au sein des pays africains, pour son modèle de développement, selon plusieurs analystes. Un analyste politique explique qu’il y a « un mythe dans les pays francophones qui dit qu’il faut être un pays anglo-saxon pour pouvoir se développer ». « Aucune colonie francophone n’a pu se développer jusqu’à présent contrairement aux pays anglo-saxons qui ont pu un tant soit peu prendre leur envol », souligne un leader.

Il donne en exemple « le Rwanda, qui après son basculement dans le Commonwealth, a pu susciter un certain mode de vie qui est envié un peu partout en Afrique ». Le modèle de développement de la Francophonie est perçu comme un modèle de domination à l’avantage de la France.

Pour un leader de la société civile, « en dehors des aides classiques financières et des bourses d’études, la coopération militaire et les diverses aides en terme de logistiques militaires », la France exerce sur ces anciennes colonies une politique trop contraignante.

« Les Français, c’est des gens qui avaient un style de domination, à la limite même, ils avaient une sorte de condescendance par rapport aux pays colonisés, tandis que le style anglais évidemment accorde une certaine liberté et une importance aux pays, rappelle une femme rencontrée.

Pour moi quand vous regardez la présence des Français dans les anciennes colonies et le mode d’ajustement, on en revient à la conclusion que c’est des gens qui ne respectent pas vraiment les peuples africains », estime l’analyste politique.

Les observateurs à percevoir les pays francophones comme des caisses de résonance de Paris, des grands enfants qui sont incapables de prendre leur autonomie vis-à-vis de Paris. L’heure est venue pour les pays africains de sonner la rébellion, entre guillemets. C’est-à-dire prendre leur destin en main et orienter, diriger, imposer, prendre la direction qu’ils comptent administrer à leur vision de société. C’est vrai qu’on ne peut plus vivre en autarcie, mais si l’Afrique veut vraiment s’émanciper, il faut voir d’autres types de regroupements où l’influence des anciens colonisateurs ne va plus peser. Ça amène certains à se tourner vers la Russie comme on le voit en République centrafricaine (RCA) ou vers la Chine, comme on le voit un peu ailleurs.

La révolte a sonné et certains pays africains qui veulent s’émanciper se disent qu’il faut qu’ils changent carrément de fusil d’épaule.

Au-delà de l’économie, c’est vraiment un problème politique parce que nous avons aujourd’hui la volonté affichée des pays africains de s’émanciper d’un certain type de management qui les contraint, les écrase et ne les respecte pas. Nous sommes aujourd’hui dans un espace où les rapports doivent être des rapports identitaires, en termes de partenariats et de respect mutuel.

@JACKO

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