Mise au point de l’Avocat-politologue Me Rigobert VONDO sur la question de changement de la Constitution

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La question de changement de Constitution fait débat ces derniers temps sur les lèvres des observateurs de la vie socio-politique centrafricaine. On ne comprend pas pourquoi les gens s’agitent dans tous les sens pour s’évertuer sur cette question qui ne devrait pas faire débat. Or, la constitution du 30 mars 2016, promulguée par un régime politique de transition est manifestement transitoire et comporte des lacunes qui méritent absolument d’être corrigées. Bien des questions ont été laissées dans l’ombre dont, par exemple, celle de la description détaillée du sceau de l’Etat et des armoiries de la République. Pour y avoir une réponse claire, l’Avocat-politique Me Rigobert VONDO y a apporté un éclaircissement en tant que juriste dont nous vous publions l’intégralité de sa réflexion juridique ci-dessous.

LE CHANGEMENT DE LA CONSTITUTION, UN ACTE DE SOUVERAINETE NATIONALE

Le contexte géopolitique et géostratégique de la République Centrafricaine impose sans qu’on ait besoin de pérorer, outre mesure le changement de la constitution du 30 mars 2016, « Constitution Transitoire ».

L’évidence d’une telle démarche est liée tout d’abord au fait qu’il s’agit d’une constitution de la Transition. En effet, il est de notoriété publique que les transitions constituent des processus complexes qui mettent en scène une multitude d’acteurs autour d’une pluralité d’enjeux qui laissent affleurer autant de difficultés.

Le système juridique qu’elles mettent en place est fortement marqué par une démarche finaliste et circonstanciée, ou tout tend vers les exigences de la reconstruction ; tout comme il est caractérisé par les ambigüités, la fragilité et les aléas du provisoire, en raison des circonstances dans lesquelles la transition réalise.

La notion de «  Constitution Transitoire » exprime en elle-même un oxymore, car «  la Constitution est en effet un texte normatif fondé sur un acte collectif et volontaire tendant à construire un ordre stable de l’Etat, à travers l’organisation des pouvoirs, la réglementation de la production normative, et l’affirmation de principes et valeurs partagées. Selon l’idéologie constitutionnaliste, la Constitution quant à elle, est faite pour durer, repoussant au plus loin l’éventualité de la déstabilisation politique et sociales, sources certaines de souffrances individuelles et collectives » (N. Perlo).

Pour peu qu’on décortique, la raison d’être des dispositions transitoires, est d’assurer la continuité de l’Etat en ce que les ruptures sont possibles, il importe donc d’éviter des vides qui créeraient un instant de non-droit ou de négation de droit. Les dispositions transitoires s’appliquent de manière provisoire, en attendant l’accomplissement de certaines circonstances. Ce sont, en réalité, des dispositions appelées à disparaitre. Ceci explique leur relation avec le temps qui est un paramètre important dans la naissance, la vie et la mort du droit, car un droit intemporel et même atemporel n’est pas concevable dans un système juridique. Si elle n’est pas judicieusement intégrée, la donne temps peut annihiler les dispositions transitoires, en faire de simples leurres pour maquiller soit la mauvaise foi des gouvernants, soit leur incapacité de mettre en œuvre les innovations impulsées par le constituant.

Ceci étant, les dispositions transitoires sont importantes pour la régulation de deux moments. D’une part, l’entrée en vigueur de la nouvelle norme, d’autre part, la sortie de vigueur de l’ancienne norme. En tout état de cause, elles n’ont pas été rédigées de manière démocratique et ne sont pas immuables. Or, une gouvernance démocratique, telle que notre pays vit, doit être effectuée sur la base des normes démocratiques, et ceci, par l’entremise d’une constitution, en tant qu’ensemble de textes juridiques qui définit les institutions de l’Etat et organise leurs relations.

En plus, les constitutionnalistes Jean et Jean-Eric Gicquel réaffirment cette notion de changement : «  Une Constitution est vivante : Elle nait, se développe et meurt.

En conséquence, il est important que nous ayons le souci d’évaluer par nous-mêmes nos pratiques, entant que problématiques spécifiques qui cadencent la vie de nombre de nos Etats, sans que nous nous fiions aux chants de sirènes ou aux interférences extérieures. La vigilance des peuples toujours soucieux d’en prévoir les conséquences suffit.

Pourtant, l’Afrique en général, et la République Centrafricaine en particulier, ont maille à partir avec cette démarche de souveraineté.

Or, deux événements majeurs d’actualité viennent conforter nos assertions en ce qui concerne les revirements spectaculaires observés devant des situations ponctuelles qui ont nécessité des arrangements constitutionnels.

Il s’agit de l’invasion Russe de l’Ukraine qui a ébranlé la politique allemande et poussé le gouvernement d’Olaf Scholz à prendre un virage à 180°, au motif que si le monde change, leur politique doit changer.

L’Allemagne a fait un come-back  sur des principes qu’on pensait acquis, tels que la fameuse règle interdisant d’envoyer des armes létales à des pays en guerre, qui est ainsi passé à la trappe au moins temporairement. En cela, l’Allemagne a brisé un tabou en livrant des armes à l’Ukraine. Cette décision constitue un revirement politique de taille pour ce pays, dont la position officielle, depuis la seconde guerre est de ne pas livrer d’armes «  létales » dans les zones de conflit.

Par ailleurs, la Chine joue à l’équilibrisme. Sa tradition est la non interférence dans les affaires intérieures d’un pays, au nom de sa souveraineté. Mais depuis plusieurs semaines, le cœur de la Chine balance entre son devoir de neutralité et son amitié «  solide comme un roc » avec la Russie. Selon les informations du New-York times, la Russie aurait demandé à la Chine de fournir des équipements militaires pour la guerre et une aide économique pour surmonter les sanctions internationales. Officiellement, la Chine se dit neutre ; mais « On comprend vite qu’il s’agit d’une neutralité de façade ».

A ces évènements, il convient d’évoquer l’épineux dilemme diplomatique de l’Inde toujours face à la crise ukrainienne. Ayant besoin à la fois de son alliée,  la Russie – qui lui fournit des matériels militaires – et des occidentaux notamment les Etas Unis qui en font autant, l’Inde, se trouvant entre le marteau et l’enclume, a préféré faire un black-out sur un pan de ses principes en jouant à l’équilibriste. C’est dire que l’immutabilité n’est pas toujours intouchable.

A cet égard, on ne doit pas être timoré sur la question du changement de la constitution du 30 mars 2016, réputée transitoire, dans la mesure où la procédure de sa rédaction et plusieurs de ses dispositions ne sont pas conformes au principe de souveraineté nationale notamment son caractère non démocratique, la compétence de substitution du sénat attribuée à l’Assemblée nationale, la règle de l’ancrage dans le temps pour la mise en place du sénat escamotée.

Ne pas changer ladite constitution revient à rendre définitive des normes transitoires et temporelles.

Un dernier mot enfin : la constitution du 30 mars 2016, promulguée par un régime politique de transition est manifestement transitoire et comporte des lacunes qui méritent absolument d’être corrigées. Bien des questions ont été laissées dans l’ombre dont, par exemple, celle de la description détaillée du sceau de l’Etat et des armoiries de la République.

N’est-ce pas là autant de raisons fondées pour enclencher et approfondir la réflexion sur la nécessité du changement de la constitution du 30 mars 2016 ?

 

 

Maître Rigobert VONDO

Avocat-politologue

 

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