Bangui, le 27 avr. 22
A un an de son second mandat, Faustin-Archange Touadéra est au centre de l’échiquier. Et au pilotage de la continuité des actions pour le pays. Stabilité, émergence, accélération des réformes et transition générationnelle sont au cœur des enjeux.
Du côté du régime en place, les choses sont certainement très claires. Il faut avant tout préserver la paix, la sécurité, la stabilité et la défense de l’ordre institutionnel. Mais l’apaisement, le retour à un dialogue raisonnable, est l’un des points clés des actions en cours de réalisation. « Touad » entame son second mandat sur des bases solides. Il est au palais, maître des horloges, du timing. L’opposition, de son côté, sort fortement décrédibilisée de cette séquence. S’avançant sans véritable programme ni projet, à part justement celui de la revanche, une partie refuse de participer au dialogue républicain en pariant sur la déstabilisation du régime, ses leaders sont dans l’impasse.
Les tractations politiques vont se mettre en place pour retrouver un équilibre. Le dialogue est une nécessité, une exigence vitale pour la stabilité du pays. De part et d’autre, on tente de renouer les filles et fils, en coulisses et au grand jour. Comme le souligne un observateur de la scène, « il faut être deux pour danser, et du côté de l’opposition, certains seront toujours tentés par la surenchère… ». Mais la réalité s’impose. Alassane Ouattara est au centre de cette équation.
L’ossature du pouvoir est solide. Touadéra est fortement impliqué dans les actions de modernisation du pays. Mais l’enjeu véritable, l’enjeu historique, celui à hauteur de président, reste le même, fortement prégnant, consubstantiel à l’émergence. Le président Touadéra fait tout pour construire un équilibre institutionnel et démocratique qui dépasse enfin les calculs ethno-régionalistes. Il construit également une démocratie opérationnelle, une société politique où le référent régional ne serait plus le facteur principal et absolu.
La RCA elle, a beaucoup changé, et en même temps elle ne change pas. Les gens se cohabitent quelles que soient leurs origines, les actions positives sont légion dont on peut qualifier de melting-pot Centrafricain. Il y a un plan et un programme. Une ambition qui avait été largement « écrite en grand et dans les détails » par Touadéra. Il faut aller plus vite, plus loin, de manière plus agile. L’objectif est de doubler, à nouveau, la richesse nationale du pays, de toucher les frontières d’un PIB aux alentours des milliards d’ici 2030.
Il s’agit de moderniser l’État, de promouvoir l’inclusivité sociale, d’aider la jeunesse à participer pleinement à l’émergence, via l’éducation et la formation professionnelle. Et surtout de pousser au développement du secteur privé, perçu comme la véritable clé. Et l’outil privilégié pour absorber le nombre impressionnant des nouveaux entrants sur le marché du travail. Dans dix ans, les Centrafricains seront près de 10 millions, dont une très grande majorité de jeunes de moins de 30 ans. Pour absorber cette vague démographique, l’innovation, l’entreprise, l’industrialisation du pays deviennent des priorités nationales, stratégiques.
Produire et transformer en RCA, et faire du « made in CAR » une mission nationale. Dans l’agriculture, l’élevage, mais aussi dans d’autres secteurs, portés par l’augmentation des consommateurs solvables. Que ce soit pour les PME ou les champions nationaux capables de viser plus grand. La croissance économique génère également une forme de modernité, qui éloigne progressivement des clivages du passé. Les enjeux changent. Une classe moyenne est en train de naître. Et ce qui compte aujourd’hui pour une grande partie des Centrafricains, c’est l’emploi, la santé, l’éducation, les opportunités, l’accroissement de leurs revenus. Des entrepreneurs, des créateurs, des designers veulent faire vivre cette ambition centrafricaine. La croissance bouscule les anciens schémas, lentement, mais sûrement. Bangui est une ville de brassage, ouverte sur le monde. Et la RCA est jeune. Et la jeunesse, c’est l’énergie.
Le pari de la modernisation. C’est l’un des points clés du programme présidentiel. Moderniser l’action publique, entrer dans une logique « d’État manager », qui impulse, qui oriente, qui favorise l’action du secteur privé. Qui régule en évitant la bureaucratie et les lourdeurs administratives. L’administration devient avant tout un catalyseur d’énergie.
Le programme présidentiel résumé dans les 10 domaines d’impulsion prévoit un certain nombre d’actions : digitalisation des services publics, valorisation des talents, contrat de performance dans la haute fonction publique, promotion de la méritocratie, de l’éthique, de la lutte anticorruption, décentralisation régionale des compétences, participation des citoyens, etc.
En clair, une véritable révolution pour un « appareil » souvent figé dans ses habitudes et ses faiblesses structurelles. Comme le souligne ce spécialiste centrafricain, « la réforme de l’État, c’est en premier lieu une question de budget, pour pouvoir agir sur la mise à niveau d’un système administratif encore fragile. Et d’affectation de ces budgets. Entre le pouvoir politique, les syndicats, les entreprises aussi, il n’est pas facile de définir des priorités communes… » Et il faut tenir compte des résistances et des craintes d’une administration à qui l’on demande des changements systémiques pour être à la hauteur des défis de l’émergence.
Le débat est ancien et pourtant essentiel. Dans la bataille pour le développement, un service public de qualité est incontournable. D’autant plus incontournable que les enjeux sont et seront de plus en plus complexes. Orienter le pays vers l’émergence et le développement suppose du leadership et de la sophistication à tous les étages de la machine. L’une des clés serait évidemment d’attirer de nouveaux talents, des personnalités de haut niveau. Et des jeunes qualifiés vers les métiers de la fonction publique. La route ne sera pas simple. Comme le souligne ce haut responsable : « Nous avons le mérite de lancer le chantier, de tracer la voie. Mais l’État, c’est souvent perçu comme le métier des « politiques », de ceux qui n’ont pas pu faire carrière ailleurs… Et c’est souvent mal payé. Recruter à haut niveau représente un véritable défi au moment où les talents sont tous portés vers le monde de l’entreprise. »
L’impératif sécurité. C’était l’une des préoccupations majeures de Touadéra et c’est l’une de ses préoccupations premières. Comment assurer la sécurité du territoire, comment protéger l’émergence face à la menace des rebelles qui sévit dans l’arrière-pays. Touadéra s’engage à défendre son pays avec toutes ses énergies face à l’opposition démocratique qui se décrédibilise et perd totalement les pédales. C’est une honte pour ceux qui veulent trainer le pays dans la boue.
@Mark Goussou-Yéma