Centrafrique : 61 ans d’indépendance le bilan reste mitigé

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Bangui, le 13 aout 21

Le rendez-vous sera encore pris au bout des festivités marquant la célébration du 61e anniversaire de l’indépendance de la République centrafricaine ex Oubangui-Chari le 13 août 2021. Les mémoires ne sont pas courtes, mais les faits parlent d’eux-mêmes et de leur monde. Cette indépendance masquée ne parvient à satisfaire les attentes des populations.

La question que l’on peut se poser au début de cet article est d’abord le sens donné au terme « Indépendance » et mettre en relief avec le cas de La République centrafricaine ex-Oubangui.

Alors que le projet oubanguien visait l’unification des peuples et leur autonomisation, les donneurs de leçons et ennemis de la pacification  ont vite compris l’idée de Barthélémy Boganda dans la création de l’Oubangui. Je voudrai sans chauvinisme aveugle indexer la répartition géopolitique des Zones d’influences (Territoires – Nations) orchestrées par ces grandes puissances « civilisées » (de l’époque), qui continuent aujourd’hui de pourrir (redistribuer) nos structures postcoloniales : gestions scabreuses des conflits armés, coups d’Etats, mutineries à répétition… Comme si ces Puissances étaient propriétaires de ces terres dont elles essaient de bouter les indigènes spoliés, affligés, humiliés ; alors qu’ils peuvent et doivent aujourd’hui prendre leur Destin en main !

La République centrafricaine va donc dès ses débuts prendre un mauvais départ surtout avec la disparition dans un montage bien ficelé d’un prétendu accident d’avion. Le père fondateur de ce pays comme avec le cas de Moise, verra Canaan mais n’y entrera pas avec son peuple au vent des indépendances. Il laissera alors sa place à son cousin qui sera  le premier président, David Dacko, qui prendra le pouvoir en 1959, suite à la mort dans un accident d’avion du père de l’indépendance, Barthélémy Boganda.  Ce dernier devrait donc gérer le pays sur les critères de la Charte de l’Impérialisme aveugle qui consiste à diviser pour mieux régner. La descente aux enfers d’un pays qui vient d’être proclamé indépendant va donc sonner.

C’est ainsi que le  31 décembre 1965, David Dacko, est renversé dans  cette fameuse  nuit de la Saint-Sylvestre,  par Jean-Bedel Bokassa soutenu par le capitaine Alexandre Banza, où il fera d’ailleurs prisonnier Jean Izamo  dans une cellule au Camp de Roux avant de se fait élire président à vie, avant de s’autoproclamer empereur en 1977.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la manipulation fera en sorte à cause des tenues scolaires, Jean-Bedel Bokassa est renversé en 1979 et David Dacko reprend le pouvoir grâce avec la bénédiction de la métropole grâce à  l’opération Barracuda.

Deux ans seulement, c’est-à-dire en septembre 1981, David Dacko perd à nouveau le pouvoir, renversé cette fois-ci par le  général André Kolingba.  Cette fois-ci, les observateurs de la vie politique donneront raison à la thèse selon laquelle qui se sert de l’épée périra par l’épée.

Les régimes dictatoriaux marquant la politique africaine, les occidentaux vont proposer au continent noir la démocratisation du continent. Ainsi, Il faudra attendre 1993 pour assister aux premières élections multipartites, imposées par la France, à l’issue du sommet de La Baule. Mais les vingt dernières années ne seront pas plus calmes. Les belles résolutions de La Baule ne dureront que trois ans. En effet, dès 1996, le président Ange-Félix Patassé est confronté à une mutinerie au sein de l’armée. Il ne doit son maintien au pouvoir que grâce à l’intervention de la France.

Cette situation va favoriser le putsch de François Bozizé qui s’emparer du pouvoir en 2003 et va plonger définitivement le pays dans un gouffre avec les coups d’Etat qui se multiplient au jour le jour. Pour preuve depuis cette longue période, le pays a battu le record des Coups d’Etat et la signature des accords de paix.

1- l’Accord de Syrte en Libye entre le Gouvernement centrafricain et le Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC), sous l’égide du gouvernement libyen, du 2 février 2007 ;

2- l’Accord de cessez-le-feu et de paix de Libreville du 9 mai 2008 ;

3- l’Accord de paix global de Libreville entre le Gouvernement et les principaux groupes armés (FDPC, APRD et UFDR), du 21 juin 2008 ;

4- l’Accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et la CPJP du 12 juin 2008;

5- l’Accord de paix de Libreville entre le Gouvernement et la Séléka prévoyant la formation d’un gouvernement d’union nationale, du 11 janvier 2013 ;

6- la Déclaration de Ndjamena du 18 avril 2013 à l’issue du Sommet de la CEEAC, tenu à Ndjamena ;

7- le Pacte républicain du 7 novembre 2013, sous l’égide de Sant’ Egidio, signé à Bangui et qui visait à impliquer les forces vives de la Nation dans la défense du cadre démocratique et des droits humains ainsi que dans la promotion des valeurs de la République pour une gouvernance de paix et de progrès pour l’ensemble du pays ;

8- l’Accord de cessation des hostilités de Brazzaville entre la Séléka et les Anti Balaka du 23 juillet 2014 ;

9- l’Accord de paix de Nairobi, entre la Séléka et les Anti Balaka, non reconnu, du 8 avril 2015 ;

10- le Forum de Bangui qui a donné lieu au Pacte républicain pour la paix, la Réconciliation nationale et la reconstruction de la RCA du 4 au 11 mai 2015 ;

11- l’Accord de paix de BENGUELA, en Angola, entre l’Angola médiateur et les ex-Séléka du 15 décembre 2016 ;

12- l’Accord politique pour la paix en RCA, sous l’égide de Sant’ Egidio, du 19 juin 2017 ;

13- l’Accord de Libreville du 17 juillet 2017 qui a abouti à la mise en place de la feuille de route pour la paix et la réconciliation en RCA, appelée initiative africaine dont la mise en œuvre a abouti à l’APPR-RCA ;

14- l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation, négocié à Khartoum et signé à Bangui entre le Gouvernement et les 14 groupes armés, le 6 février 2019 ;

15- la Déclaration des Chefs d’Etat du 26 décembre 2020, à l’issue du Sommet Extraordinaire des Chefs d’Etat de la CEEAC réaffirmant le soutien à l’ordre constitutionnel en RCA par la tenue des élections à la date du 27 décembre 2020 ;

16- le Communiqué final du mini-Sommet des Chefs d’Etat de la CIRGL du 29 janvier 2021, consacré à la situation politique et sécuritaire en République Centrafricaine qui demandait la cessation des hostilités et le repli des rebelles à leurs positions d’origine.

L’histoire de notre pays recèle plusieurs autres initiatives de paix tels que le Séminaire National de Réflexion, le Grand Débat National.

Aujourd’hui, le peuple centrafricain est entre le marteau et l’enclume, victime d’un complot ourdi de l’extérieur depuis son indépendance jusqu’à nos jours. De plus en plus toutes les décisions sont prises de l’extérieur par les faiseurs des chefs d’Etat en Centrafrique. Mais une fois un président ose lever la tête qu’un coup d’Etat survient au grand jour et le même cycle recommence et le Centrafrique recule.

Le problème politique c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est d’épuiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. Or, le problème de la République centrafricaine, c’est de cesser toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter  avec la mort brutale de son père fondateur, Barthélémy Boganda et surtout de son passé glorieux des années 60 à 70, ne viendra pas, pour les raisons qu’il n’a jamais existé.

Il faut après soixante ans reconnaître sa maturité sur tous les plans et se prendre en charge. C’est l’ère du panafricanisme qui sonne pour tous les Etats d’Afrique et surtout en Centrafrique qui regorge une panoplie des ressources naturelles inégalable dans le monde mais qui tire le diable par la queue. Nous dirigeants doivent comprendre qu’ils ne sont des élèves pour applaudir comme des spectateurs, les décisions venant de l’extérieur. C’est l’unique solution pour l’apaisement de la RCA.

@Hervé BINAH, 

 

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