Centrafrique : LES GENITEURS DE L’ACCORD DE KHARTOUM PEINENT A ANALYSER LES RACINES PROFONDES DE LA CRISE CENTRAFRICAINE

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Bangui, le 30 août 2020

Faudrait-il encore mettre en cause la thèse de René Dumont selon laquelle «l’Afrique noire est mal partie » ? Le pays de Barthélémy Boganda est  lourdement frappé  d’une maladie incurable dont les racines restent encore mal analysées par ceux qui, du plus sommet de la tribune des Nations-Unies, se disent très préoccupés de la misère d’un peuple meurtri par une longue crise militaro-politique alors que les résultats sur le terrain vont à contre-courant des attentes de la population civile. Doit-on encore opter pour les dialogues avec les groupes armés sans toutefois éradiquer le mal depuis ses racines ?

La colonisation facteur des malheurs du peuple centrafricain

Il est vrai que tous les pays de l’Afrique ont été colonisés par les Occidentaux et balkanisés depuis le Congrès de Berlin à l’exception de quelques-uns. Pour le cas de la République centrafricaine ex-Oubangui-Chari, pays qui bat les records des coups d’Etat et des rébellions dans la sous-région, il n’était pas construit sur la base d’un corps social pacifié : de l’économie des Zariba esclavagistes aux migrations forcées induites par la colonisation. L’autorité centrafricaine n’a pas acquis un caractère routinier sans l’usage massif de coercition. On passe de crise en crise. Dès son origine, la force a caractérisé l’ossature de la vie politique. Les dérèglements de l’Etat colonial et le rôle qui y jouaient les cadres autochtones sont connus aujourd’hui et cette période autant que les moments autoritaires post coloniaux pèsent sur la définition sociale des rapports au pouvoir que ce soit les membres du gouvernement que les hommes en tenue. Cette situation a fait que l’histoire du pays soit entachée des spirales de violences sans précèdent. D’aucun, parlant des rapports franco-centrafricains, situent leur raisonnement dans le domaine économique et social exclusivement, et excluent malheureusement le grand retard de ce pays faute de l’action coloniale. Ces hommes oublient qu’au-delà de l’action sociale et économique, il y a une valeur plus importante qui oriente et détermine l’action des Centrafricains : une valeur supérieure réside essentiellement dans la conscience qu’apportent les Centrafricains à la lutte pour la libération de leur pays (pris en otage depuis une bonne décennie par les mouvements rebelles) tendant à sauvegarder leur dignité et leur originalité.

La nébuleuse coalition Séléka à la marge de cette catastrophe

La naissance de cette rébellion a largement impacté sur le tissu économique du pays en le plaçant dans une situation d’éternel sous-développé. S’il faut se référer à la razzia esclavagiste,  et à la colonisation, on se rend compte qu’ils sont les principaux vecteurs de cette crise centrafricaine. La Séléka est à la mage de cette histoire de la construction étatique et au centre de ses fonctions économiques : recrutant dans les marges sociales et les sociétés centrafricaines parmi ces musulmans dont l’Etat avait tant besoin mais que le rôle se devait d’être le second. Elle a prouvé aux yeux du monde combien le pacte colonial centrafricain avait échoué à enraciner l’Etat dans une société qui multipliaient les stratégies d’échappement par la religion et le monde de l’informel. La Séléka illustrait deux faits géopolitiques majeurs dont l’Etat décidément trop banguissois, peinait à prendre la mesure. D’abord, elle était autant une de ces insurrection qui ont émaillé l’histoire du pays, après l’indépendance, qu’une archéologie des rebellions de la région. Sa simple existence manifestait l’incomplétude des résolutions du conflit des Etats voisins, notamment du Tchad et le Darfour mais aussi, on le mesure peu à peu au Cameroun. Elle soulignait un caractère structurant de l’Etat centrafricain à travers toutes les péripéties politiques surtout de périphérique et sa difficulté à exister à l’aune des Etats de la région. Rien n’en dit mieux comment les Etats de la région ont aidé, saboté, sauvé et condamné la RCA depuis les décennies.

Si les institutions étaient justes, il fallait alors analyser cette crise comme un épisode de la reconstruction de l’Etat et s’interroger sur les répertoires de contestation d’un ordre régional inique, qui condamneraient la RCA à n’être que le bassin de revendication des révoltes dans les pays voisins. Cela impliquerait d’écouter mieux les insurgés de tout bord et de s’interroger sur le mode de légitimation de l’Etat, au-delà des limites de la capitale administratives. Depuis la formation de cette coalition, on n’entend partout que des pleurs et des enterrements sans sépulture. Les mercenaires importés se font remarquer par des actes de pillages, des incendies des villages entiers, des viols et surtout de l’appropriation volontaires des ressources naturelles du pays.

On doit reconstruire ce qui a été détruit depuis plusieurs décennies. Mais comment ? Telle est la question que l’on doit se poser de nos jours afin de mieux résoudre le problème des crises militaro-politique dans ce pays. La RCA n’est pas là pour accompagner les autres pays. A travers les vicissitudes de l’histoire, chaque peuple s’achemine vers ses propres lumières, agit selon ses caractéristiques particulières et en fonction de ses principales aspirations sans qu’apparaissent nécessairement les mobiles réels qui les ont fasciné, à cause des structures économiques et politiques héritées du régime colonial en déséquilibre avec ses aspirations d’avenir. C’est pourquoi, pour sortir de cette crise, il faut corriger non pas seulement par des réformes timides et partielles qu’imposeraient la communauté internationale, mais fondamentalement en balayant dans notre pays tout ce qui poussent aux mécontentements des populations et surtout à la marginalisation de certaines minorités. Selon nos propres voies, il faut acheminer vers un bonheur commun et cela d’autant plus avec la volonté et la détermination que nous connaissons la longueur du chemin que nous devons parcourir.

En effet, le monde évolue rapidement et les impératifs de la vie moderne posent avec brutalité, le problème du choix entre la stagnation et le progrès, entre la division des peuples et leur union fraternelle, entre l’esclavage et la liberté, entre la guerre et la paix. Pour la RCA, cette colonie d’influence française, ses problèmes doivent être absorbés avec beaucoup d’esprit réaliste et compréhensif. C’est en fonction de ces leçons du passé et l’impératif de cette évolution de quitter le monde de la barbarie marqué par les violences communautaires et la prise du pouvoir par les armes, pour sortir le pays de cette misère. Il faut donc une ferme volonté d’accéder à la totale dignité nationale confisquée par les groupes armés depuis plusieurs décennies et qui sont au-dessus de la loi et qui ont été indemnisés depuis leur dernière victoire à Khartoum.

Les Centrafricains doivent chercher de nos jours à regarder dans une même direction au-delà de cette déchirure. Le temps est venu pour que les actions communes soient menées dans ce sens. Certes, ces cicatrices restent dans nos cœurs et ne peuvent pas facilement se faire oublier tant les groupes armés continuent de faire endeuiller les familles. Cependant, avec une grande résilience, on peut tourner la page et fermer les yeux sur ce sombre tableau panoramique. Le temps n’est plus de ressasser le passé, mais d’entrer ensemble dans la politique de reconstruction du pays en mettant un terme à l’impunité, pour revêtir la robe de noblesse de bonne gouvernance pour l’intérêt de la nation et la RCA sortira de cette boue.

Il faut donc pour le futur dialogue (car le dernier accord est en phase de se faire enterrer par les groupes armés surtout les 3R de Sidiki et l’UPC de Darass), toucher  les réalités du doigt, et ne pas avoir peur de dénoncer tout ce qui freine le développement du pays. Les Centrafricains veulent la liberté qui est un bien le plus précieux pour chaque homme et une aspiration pour tout être vivant.

@Jaccko, 

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