Centrafrique : Le contentieux de la responsabilité de l’Etat à raison du fonctionnement des services fiscaux selon l’Universitaire Florent Ouandji

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Bangui, le 25 mai 20

Florent OUANDJI
Vice-Doyen de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques (FSJP)
Université de Bangui

Le  Vice-Doyen de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Bangui, Florent OUANDJI a développé une fois de plus, une réflexion sur le thème : « Le contentieux de la responsabilité de l’Etat à raison du fonctionnement des services fiscaux ». L’Universitaire édifie les lanternes de nos lecteurs sur certaines règles juridiques. Votre site lepotentielcentrafricain.com vous propos l’intégralité de cette pensée intellectuelle.

 Introduction

De nos jours, l’esprit d’initiative et le goût de la recherche doivent animer le milieu académique à beaucoup écrire en vue d’aider ou de faciliter la compréhension de certaines choses que certains Centrafricains semblent ignorés.

Justement c’est dans cette optique.

L’action de l’administration est placée sous le contrôle du juge. Chaque redevable peut contester les décisions des agents de fisc en introduisant une réclamation devant le Directeur général des Impôts[1]. Le contentieux au sens large, est un terme susceptible de plusieurs acceptions, toutes fondées sur l’idée de litige. Autrement dit, c’est un ensemble de litige dont la connaissance appartient aux juridictions compétentes[2].

Le contentieux de la responsabilité est un plein contentieux traditionnel, celui de la responsabilité des services publics. C’est contentieux pour faute à l’égard des usagers, et le juge administratif exige par conséquent de la victime qu’elle apporte la preuve de trois éléments : une faute de l’administration, un préjudice et un lien de causalité entre les deux. Il sera compétent sauf dans trois cas :

 

  • Lorsque le dommage allégué peur être imputé aux opérations d’assiette d’un impôt ;
  • Lorsque le dommage allégué peut être directement rattaché à une procédure pénale ;
  • Lorsque le dommage allégué peut être allégué aux poursuites engagées dans le cadre du recouvrement forcé de l’impôt.

L’originalité de ce contentieux vient de l’évolution de la jurisprudence[3] qui, à l’instar d’autres domaines (la responsabilité hospitalière par exemple) a longtemps conditionné la mise en jeu de cette responsabilité à l’exigence d’une faute au moins lourde, en arguant de la complexité de l’action du fisc, et partant, des risques irréparables inhérents à cette action. Le juge a infléchi sa jurisprudence en admettant dorénavant la possibilité de mise en jeu de cette responsabilité pour faute simple, mais le préjudice doit toujours être en direct.

I – Le domaine respectif de la faute lourde et de la faute simple

En matière de responsabilité de l’administration, la faute du service public désigne tout défaut de fonctionnement des services publics de nature à engager la responsabilité pécuniaire de l’administration à l’égard des administrés[4].le cadre tracé par la jurisprudence est parti de la dimension régalienne de l’impôt, donc  de l’impunité attachée à cette activité de l’Etat, puis le juge a accepté de parler de responsabilité mais seulement en cas de commission d’une faute d’une particulière gravité[5]. Sa libéralisation contemporaine. Privilégie néanmoins l’exigence de la faute lourde, et le juge subordonne toujours  l’examen de la requête en réparation d’un préjudice, qui aurait été provoqué par une imposition de la décharge de celle-ci[6]. Cette démarche a pour but d’empêcher le contribuable d’obtenir la décharge de l’imposition par une procédure concurrente du contentieux de l’imposition ; cette décharge lui serait permise en invoquant par exception l’illégalité de l’imposition et en chiffrant son préjudice au montant de l’imposition ainsi contestée.

 A- Le domaine de la faute lourde

La faute lourde, traduisant la volonté de nuire, est la seule, d’après la jurisprudence, qui mette en jeu la responsabilité pécuniaire de l’Etat.

Les cas d’ouverture de cette possibilité sont corrélativement rares, l’espèce la plus fameuse, et historiquement la première, est donnée par un arrêt du 11 juillet 1984[7] dans lequel le conseil d’Etat condamne pour faute lourde le service d’assiette . Le vérificateur avait limité la durée de sa vérification dans les locaux de l’entreprise à un séjour de deux (2) heures, sans examiner la comptabilité ni chercher la contrepartie matérielle de factures sous prétexte qu’elles émanaient de sociétés connues pour émettre des factures et papiers de complaisance. Cette faute du service d’assiette occulte celle du service de recouvrement qui avait fait preuve d’une particulière célérité, parce que ce dernier à mission d’agir sans avoir à vérifier le bien-fondé de l’impôt établi, et sa promptitude intrinsèque à recouvrer repose sur une obligation légale, que chaque loi de finances de l’année rappelle, à peine de forfaiture.

En France, la condamnation la plus sévère a été prononcée par un arrêté définitif de la cour administrative d’appel de Paris en date du 21 novembre 1995[8], qui stigmatise les fautes lourdes commises respectivement  et par le service de l’assiette qui avait tardé cinq (5) ans à prononcer un dégrèvement et par le service recouvrement qui avait adressé des avis à tiers détenteur avant même la notification du redressement, donc à un moment où l’administration ne détenant aucune créance fiscale certaine dans son principe ni dans son principe ni dans son montant à l’encontre du contribuable. Corrélativement la condition sur le fondement d’une faute simple interviendra à l’occasion de tâches qui ne comportent les services fiscaux de difficultés particulières.

 B – Le domaine de la faute simple

Il correspond à deux (2) séries de situations. La responsabilité de l’administration fiscale pourra d’abord être engagée sur ce fondement à raison d’agissements qui peuvent être détachés du processus d’établissement et de recouvrement de l’impôt. C’est le cas lorsque le préjudice a été provoqué par la communication de renseignements erronés ou par un refus illégal d’accorder le bénéfice d’un régime fiscal à un contribuable qui en remplit les conditions.

L’illégalité de la position de l’administration entraine rupture de l’égalité des contribuables pourtant placés dans les situations identiques[9]. La responsabilité de l’Etat est également engagée en cas de non-transmission d’une demande de sursis de paiement par le service d’assiette au comptable du trésor[10].

La seconde situation est plus récente, elle traduit la volonté du juge d’admettre que, même dans le domaine des procédures d’établissement et de recouvrement de l’impôt, il existe une place pour une responsabilité engagée à raison d’erreurs simples, intervenus au cours d’opérations dépourvues d’appréciation de la situation des contribuables. Ce tournant jurisprudentiel est apporté par l’arrêt de section du 27 juillet 1990[11], dans lequel le conseil d’Etat va condamner l’administration pour une erreur grossière de saisie sur l’informatique.

 II – La mise en jeu de la responsabilité de la jurisprudence publique en matière fiscale

La mise en jeu de la responsabilité de l’Etat répond aux conditions précipitées. Mais seulement pour dépôt abusif de plainte, elle est en fait difficile.

 A – La répartition de la faute

La contribuable qui souhaite obtenir répartition se retrouve par conséquent placé depuis quelques années dans une proposition plus favorable pour faire reconnaitre le principe de la responsabilité de l’Etat. Mais, il faut également démontre l’ampleur exacte de son préjudice.

 B – Le préjudice indemnisable

Dans le domaine d’une jurisprudence qui est celle du juge administratif en son entier, le contentieux de la responsabilité de l’administration fiscale n’admet d’indemniser que le préjudice direct. Dans l’arrêt société industrielle de St-Ouen le CE constate que la liquidation judiciaire de la société est la conséquence directe des agissements fautifs de l’administration, il condamne par conséquent l’État à indemniser des montants qu’elle réclame, au titre respectivement de la perte du fonds de commerce[12] de licenciement versés au personnel de l’entreprise. En revanche, le juge refuse d’indemniser le préjudice qu’il estime indirect, et c’est ainsi que dans le même affaire, par la décisions rendues le même jour, le CE z rejeté les demandes présentées par les ayants droit du gérant, qui arguent des pertes de rémunérations et des troubles dans les conditions d’existence provoquées par la disparition brutale de la société de même que la demande de présentée par une ancienne salariée, qui réclamait répartition du préjudice provoqué par la perte de son emploi.

 Conclusion

En définitive, la multiplication des juges en prise sur la réalité fiscale et le développement de la jurisprudence contribuent à une meilleure définition des relations entre l’administration et le contribuable. La conjugaison des deux (2) améliore un État de droit qui attribue un poids croissant au prélèvement fiscal.

Aussi, il convient de signaler que la plupart des litiges qui opposent l’administration fiscale aux contribuables révèlent dans la plupart des cas de l’ignorance du contribuable et surtout du non maîtrise des mécanismes de fonctionnement du système fiscal Centrafricain. Cette ignorance et la non maîtrise du mécanisme ont pour conséquence, l’irresponsabilité fréquente des requêtes introduite par le contribuable auprès des juridictions compétentes en matière fiscale qui sont le tribunal Administratif et le Conseil d’État.

C’est fort de ce constat que nous pensons qu’il serait nécessaire que le contribuable soit entouré d’un certain nombre de garanties nécessaires à l’aboutissement de ses revendications.

 

Florent OUANDJI

Vice-Doyen de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques (FSJP)

Université de Bangui

E-mail : fouandji@yahoo.fr

[1] Lexique de termes juridiques, 12e édition Dalloz, 1999

[2] MARCHART (D) : Droit fiscal et fiscalité de l’entreprise 4e édition 1995.

[3] La jurisprudence est l’ensemble des décisions habituellement rendues par les différents tribunaux relativement à un problème juridique donné et qui permettent d’en déduire des principes de droit. La jurisprudence reflète la façon dont les tribunaux interprètent le droit et est une référence pour d’autres jugements. Les tribunaux ne pouvant se substituer au pouvoir législatif ou à celui de l’autorité administrative pour définir une règle obligatoire, la jurisprudence permet, dans un cas non couvre par la loi ou lorsque celle-ci est imprécise, à un tribunal de s’appuyer sur une décision prise dans un cas similaire par une juridiction supérieur (Cour d’Appel, Cour Suprême, Conseil Constitutionnel, éventuellement par une juridiction internationale). L’un des rôles de la Cour Suprême est d’uniformiser la jurisprudence afin d’éviter la disparité des jugements sur le sujet donné et de limiter le recours en cassation. Autrement, le terme « jurisprudence » désignait la science du droit. De nos jours, il est très peu utilisé dans ce sens. Le contrôle fiscal en République Centrafricaine

[4]. Expression désignant toute faute qui, n’ayant pas le caractère de faute personnelle, ne peut engager la responsabilité civile de son auteur que ce soit envers l’administration ou envers les administrés.

[5] CE, 21 février 1913, Rec, CE p.248

[6] CE, 11 oct.1978, RJE 11/78, n°499

[7] Société industrielle de St-Ouen, Rec. CE p.272 et JCP 1985. II 20934

[8] SA Rallye Opéra, Dr. Fisc. 1996, Comm. 603

[9] CE, 21 février 1958, Rec, CE p.124

[10] CE, sect, 19 nov 1999, SARL Occases, procédures 2000, n°82

 

[11]  Bourgeois, RJF 8-9/90, 631 et 548 avec les conclusions Chahid-Nouraï

[12] Lire GATSI (J) et KAMAKO (M) l’approche du fonds de la commerde dans l’espace OHADA, PUL, 2007.

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