Bangui, le 04 décembre 17
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Chers collègues Députés de la Nation,
Nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur le projet de loi de finances de l’année 2018, afin de permettre juridiquement à l’État d’avoir les moyens financiers et matériels de sa politique pour l’année à venir.
Qu’il me soit permis d’abord au nom de la Commission Économie, Finances et Plan de féliciter le Ministère des finances d’avoir quasiment respecté cette fois ci le délai constitutionnel du dépôt du projet de budget de l’État sur le Bureau de l’Assemblée Nationale. De même l’ensemble du dossier, de l’avis de la Commission, était mieux documenté et plus fourni que l’année dernière, nous permettant un examen plus aisé. Ces deux facteurs nous ont permis de prendre le temps d’auditionner beaucoup d’acteurs de l’économie nationale, afin que l’examen critique du projet de budget ne se résume pas à une simple formalité.
Pour les années à venir, nous encourageons le Ministère des Finances à déposer le projet de budget le 15 septembre, mais surtout de préparer le Débat d’orientations budgétaires qui permettra à l’exécutif et au législatif de convenir des objectifs et des moyens du budget à venir, qui plus est encore si nous passons comme je l’espère au budget-programme.
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
Chers collègues Députés de la Nation,
Beaucoup de nos compatriotes se posent chaque année la même question de savoir pourquoi notre budget est-il aussi faible, comparativement aux autres pays de la CEMAC ou à d’autres pays africains. Il me semble indispensable de répondre précisément à cette question.
Comme dirait Monsieur de la Palisse, il faut avoir des contribuables pour espérer avoir des recettes fiscales. Nous n’avons pas le seuil de masse critique de contribuables pour alimenter suffisamment notre budget, puisque en dehors de l’argument de la continentalité, historiquement, nous avons nous-mêmes à l’occasion de multiples crises détruit la plupart de nos entreprises et ainsi découragé les investissements aussi bien endogènes qu’étrangers dans notre pays. Aujourd’hui l’amélioration du climat des affaires doit être notre combat collectif et individuel, et cela passe également par la recherche effrénée de la paix et de la sécurité. C’est à cette double condition que nous allons reconstituer notre vivier d’entreprises et d’agents économiques dans les secteurs primaire , secondaire et tertiaire, et accroître effectivement le nombre de contribuables.
Cette régénération du vivier d’entreprises permettra de créer les emplois dont notre jeunesse en particulier et tout notre peuple ont besoin pour disposer de revenus et consommer plus qu’aujourd’hui. Cette consommation accrue permettra de prélever l’impôt sur la consommation-autrement dit la TVA- qui , rappelons, est le poste le plus important de recettes dans les budgets des pays à fonctionnement économique optimal. Je rappelle que le socialiste que je suis crois toujours à John Maynard Keynes, et demeure convaincu de la relance de l’économie par la consommation et des investissements publics, notamment dans les filières agricoles et sylvicoles.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Chers collègues Députés de la Nation,
A l’issue de ce long exercice d’auditions puis d’examen du projet de budget, nous souhaitons partager avec vous les constats suivants.
• Le premier constat est que les finances publiques de notre pays doivent constituer un sujet de préoccupation nationale, car elles ont un problème structurel qui remonte à des décennies sans solution véritable à ce jour: en effet, les recettes en cash que le Trésor Public mobilise aujourd’hui servent à payer à flux tendus les dépenses d’hier, d’où un processus de création automatique et d’accumulation d’arriérés au fur et à mesure que nous avançons dans l’année. L’élasticité de la marge de progression interne de nos recettes propres n’est pas suffisante pour générer le volume de cash indispensable pour la résolution rapide de ce problème. Seul un appui conséquent du Fonds Monétaire International (FMI) peut permettre d’ apurer la totalité du stock des arriérés de l’Etat (dettes sociales et dettes commerciales). Le retour à l’orthodoxie financière de notre pays passe par ce chemin de croix, celui du respect scrupuleux de l’Accord conclu avec les Institutions de Breton-Woods.
• Le second constat est que plus de 70% des importations de notre pays en 2016 et 67% en 2017 sont exonérées de tous impôts et taxes, du fait des conventions signées avec divers partenaires. Par conséquent, en dehors des revenus assez modestes de nos exportations qui se résument aujourd’hui au bois et au diamant et or, seules 30% de nos importations génèrent toutes les ressources de l’État, ce qui fait peser une grave menace sur la viabilité financière de notre pays.
• Le troisième constat est que les recettes du Trésor public depuis plusieurs années sont essentiellement constituées des dividendes versées par la BEAC. Normalement les actions détenues par l’État dans les sociétés d’État et d’économie mixte devraient générer des dividendes à inscrire dans cette ligne. Force est de constater que non seulement ces participations de l’État ne génèrent pas de dividendes mais de surcroit ces entités continuent de recevoir des transferts et subventions de l’État, tout en ne s’acquittant généralement pas de leurs obligations fiscales. La pression qu’elles exercent ainsi sur les finances publiques n’est pas supportable, puisqu’il s’agit de près de 23 milliards de nos francs sur un budget national en recettes de 167 milliards.
• Le quatrième constat est celui du poids de la parafiscalité qui constitue un grand obstacle à l’optimisation des recettes de l’État, et met à mal le principe de l’unicité de caisse. Il faut chaque année réintégrer dans le budget général de l’État ces recettes aujourd’hui prélevées auprès du public et dépensées en violation des dispositions légales. La Commission a ainsi réintégré dans le budget national pour l’exercice 2018 les recettes provenant des taxes de sûreté aéroportuaires diverties depuis 1988, et également les redevances d’assistance aéroportuaire au sol. Deux autres ministères au moins s’adonnant à des pratiques similaires feront l’objet de notre attention en 2018, et je vous réserve la primeur de leur désignation pour des raison d’opportunité.
• Le cinquième constat est que la chaîne des dépenses publiques a d’énormes marges d’amélioration et de progrès à réaliser pour que la dépense publique soit réellement efficace, crédible, transparente et équitable. L’Autorité de Régulation des Marchés et la Direction Générale des Marchés Publics doivent être évalués et renforcés dans leurs capacités.
• Enfin les recettes fiscales de notre pays représentent 9,94% du PIB en 2017, contre 8,43% du PIB en 2018 . Il faut comparer ce pourcentage à la norme communautaire de la CEMAC qui en fixe le seuil minimal à 17 % du PIB. Nous réalisons donc moins de la moitié du seuil minimal exigé par nos engagements communautaires.
C’est l’ensemble de ces constats et bien d’autres encore qui illustrent l’ampleur du défi à relever qui ont amené la Commission Économie, Finances et Plan à formuler les recommandations et pistes de solutions qui ont été présentées dans le présent rapport général.
Fort de ce qui précède et dans l’optique de permettre au Gouvernement d’avoir les moyens de sa politique, la Commission Économie, Finances et Plan par ma voix recommande à l’auguste plénière de voter favorablement le projet de loi de finances de l’exercice 2018 pour l’examen duquel nous nous sommes tous investis durant cette session budgétaire.
Je vous remercie
Martin ZIGUELE
Président de la Commission Économie Finances et Plan
Bangui 29 novembre 2017