Centrafrique : Le gouvernement table sur le choix des 11 commissaires de la CVJRR

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Bangui, le 09 septembre 20

La République centrafricaine a longtemps été meurtrie par des violences de masse cycliques entrainant au passage des pertes en vies humaines. Cependant, pour mettre un terme à cette longue période d’impunité marquée par la violation des droits de l’homme avec des victimes abandonnées à leur triste sort, les recommandations issues du Forum National de Bangui ont fait objet de la mise en œuvre d’une Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation dans le but de lutter efficacement contre l’impunité en terre centrafricaine et créer les conditions d’une paix durable condition sine qua none de tout développement et du vivre ensemble dans un pays.

On se souvient qu’un séminaire gouvernemental sur la consultation populaire nationale relative à la mise en place de la ‘’Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation’’ (CVJRR), a eu lieu le 13 mai 2019 à Bangui.

Ouverte par le Premier ministre, Firmin Ngrebada, en présence du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies et chef de la Minusca, Mankeur Ndiaye, la rencontre se voulait un moment de réflexion et d’échanges en vue de préparer la mise en place de la CVJRR. A cet effet, elle avait  vu la participation de plusieurs membres du gouvernement, parmi lesquels la ministre de l’Action humanitaire et de la réconciliation nationale, Virginie Baikoua, dont le Ministère en est l’initiateur.

Pour Mankeur Ndiaye, en effet, ‘’La vérité doit être connue, de même que l’identité des auteurs, ainsi que les causes, faits et circonstances dans lesquelles ces violations ont été commises,’’ renouvelant  « au Gouvernement et au peuple centrafricains l’engagement de la MINUSCA à accompagner ce processus pour la mise en œuvre rapide de la future Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation et l’exécution effective de son mandat en faveur de la réconciliation pour une paix durable en République centrafricaine, en ayant toujours à l’esprit les droits des victime».

De manière incontestable les auditions des victimes, témoins et auteurs présumés représentent un moment central dans la vie de toute commission de vérité et réconciliation. Entourées de solennité ou conduites avec sobriété, elles marquent une étape significative dans le processus de restauration des liens brisés par des violences massives des droits de l’homme. De fait, au-delà de la diversité des expériences enregistrées de par le monde et des résultats auxquels elles permettent de parvenir, un élément commun semble les caractériser : la libération de la parole des victimes pour le rétablissement de leur dignité et la cicatrisation de leurs blessures, conditions incontournables de toute réconciliation en profondeur. Et c’est justement sur ce point que surgissent des interrogations, car l’expérience montre que cet objectif affiché est loin d’être atteint par les travaux d’une commission. Nombreux sont les experts et observateurs de la justice transitionnelle qui s’interrogent sur l’efficacité réelle de ce mécanisme auquel d’aucuns ont attribué le sobriquet de « tribunal des larmes » ou « commission kleenex. Car les larmes, à elles seules, ou les fortes émotions que déclenchent les auditions ne peuvent expurger les violations commises et poser les bases démocratiques d’une nouvelle société.

Quels sont dès lors les objectifs réels que poursuivent les commissions de vérité à travers les auditions ? Quels en sont les acteurs ? Comment se déroulent-elles ? Quelles en sont les limites ?

Depuis quelques décennies, parallèlement aux juridictions pénales internationales, les commissions de vérité connaissent partout dans le monde un essor remarquable. Considérées comme un passage obligé vers la paix et la consolidation de la démocratie, elles s’affirment de plus en plus comme un mécanisme de transition ou un compromis permettant de trouver un équilibre politique entre la justice et la paix. L’engouement pour ce mécanisme considéré comme une « troisième voie » s’explique en partie par son caractère pragmatique et sa grande flexibilité qui contraste, d’ailleurs, avec la rigidité des procédures judiciaires.

L’expérience de ces dernières années montre qu’il n’existe pas d’uniformité en cette matière ni de modèle transposable d’un pays à un autre ; cependant, une certaine préférence semble être accordée aux commissions de vérité censées résoudre, avec plus de flexibilité et de tact, l’épineuse articulation entre la paix et la justice. Vues sous cet angle, les commissions de vérité apparaissent de plus en plus comme un choix politique axé sur les victimes plutôt que sur le traitement judiciaire des violations ayant perturbé la cohésion sociale, « un modèle alternatif de justice non favorable à l’impunité mais encline au pardon, non hostile à la justice traditionnelle mais complémentaire à celle-ci, non susceptible d’effacer les effroyables souvenirs d’un passé meurtri mais partant pour la réécriture de l’histoire ». Le choix des 11 commissaires de cette commission est donc sans complaisance en Centrafrique. La déception provoquée par les auditions résulte du fait qu’elles sont souvent considérées comme une fin en soi plutôt que comme un instrument au service des commissions. En réalité, les auditions ne sont pas un but à poursuivre mais un mécanisme à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif ultime qui est la manifestation de la vérité pour la cicatrisation des blessures. Cela signifie que des auditions spectaculaires ne sont pas forcément synonymes de réussite du mandat d’une commission de vérité. Considérées du point de vue des victimes, elles visent à redonner la parole à ceux qui en ont été privés pendant longtemps, à les réhabiliter, à les placer au centre du processus de réconciliation, à les écouter pour communier leur douleur, leur permettre d’extérioriser le traumatisme afin de l’expurger.

Le gouvernement centrafricain lancera donc bientôt l’avis de recrutement des 11 commissaires de cette commission qui doit mettre un terme à une longue période d’impunité qui alimente les coups d’Etat et les mutineries dans ce pays.

@Jacko,

 

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