Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la République centrafricaine du 16 juin 2021

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XII. Observations

  1. Par deux élections successives, en 2016 et 2020, le peuple de la République centrafricaine a exprimé son aspiration à une paix et un progrès durables et a formé le souhait que ses représentants élus honorent leurs promesses. Cet espoir persiste même si la population continue d’affronter un niveau de violence inacceptable. J’invite le Président à placer la paix et la réconciliation au cœur de son second mandat et à saisir l’occasion qui se présente d’extirper les causes profondes du conflit.
  2. Les préparatifs d’un dialogue républicain me semblent de bonne augure, toutefois un tel processus ne pourra être couronné de succès que s’il est véritablement inclusif et que si des griefs légitimes sont entendus et pris en compte. Il est primordial que toutes les parties prenantes puissent s’exprimer, y compris les groupes armés qui ont renoncé à la violence, l’opposition, la société civile, les femmes, les jeunes et les chefs religieux venus des quatre coins du pays. J’encourage les acteurs politiques à rester mobilisés et à instaurer la confiance. Tous les groupes armés doivent cesser immédiatement les violences pour participer de manière constructive au processus de paix.
  3. Il importe que soit formé un nouveau gouvernement inclusif, qui sera investi de responsabilités importantes pour faire avancer les réformes institutionnelles et régler les problèmes auxquels font face tous les Centrafricaines et Centrafricains, y compris les communautés minoritaires. Je relève avec inquiétude les obstacles qui entravent la participation politique pleine, égale et effective des femmes et j’encourage les autorités à s’employer à défendre la place des femmes dans les postes soumis à élection. Les prochaines élections locales, si elles associent toutes les parties, offriront une excellente occasion d’élargir le paysage politique et d’étendre le pouvoir de décision aux groupes sous-représentés et aux communautés minoritaires, et ouvriront la voie à la décentralisation et au renforcement de la gouvernance locale.
  4. Je salue l’engagement du Président en faveur de l’Accord politique, seule voie viable pour un règlement durable de la crise. L’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord offre la possibilité de donner un nouvel élan au processus, ce qui requiert la participation continue et de bonne foi de tous les signataires ainsi que le soutien des garants et des facilitateurs. Il convient de préserver le caractère inclusif des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord, qui ont offert un espace pour un véritable dialogue, notamment au niveau local.
  5. Je suis profondément préoccupé par le recours excessif à la force, qui pourrait mettre en péril le travail accompli par les autorités pour ce qui est de la promotion de la cohésion sociale et de l’extension de l’autorité de l’État. Je suis particulièrement inquiet de l’augmentation notable des violations des droits humains et des atteintes à ceux-ci, y compris les violences sexuelles liées au conflit, des abus ciblés et de la stigmatisation des minorités ethniques et religieuses, ainsi que de l’emploi excessif de la force, quels qu’en soient les auteurs, y compris les groupes armés, les forces de défense nationale et les forces de sécurité intérieure, ainsi que le personnel de sécurité déployé bilatéralement et les autres agents de sécurité. Ces violations et atteintes risquent de réduire à néant les acquis fragiles et difficilement gagnés ; la souffrance endurée par la population compromet la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Je suis tout aussi préoccupé par les déplacements forcés, la discrimination exercée contre certaines communautés et l’émergence de conflits au sujet des ressources territoriales et naturelles. Je prie le Gouvernement de veiller à ce que toutes les forces en présence et l’ensemble du personnel chargé de la sécurité en République centrafricaine respectent les dispositions applicables du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et à ce que justice soit faite.
  6. Je suis profondément alarmé par l’augmentation inacceptable et sans précédent des menaces et des actes hostiles contre la MINUSCA, qui sont le fait des forces de sécurité nationales ainsi que du personnel de sécurité déployé de manière bilatérale et des autres agents de sécurité. Cela fait obstacle à l’exécution du mandat de la Mission et pose de graves risques pour la sûreté et la sécurité des soldats de la paix. Ces actes contreviennent aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de l’accord sur le statut des forces. J’invite le Président à donner suite à l’engagement qu’il a pris de veiller à ce que ces hostilités cessent immédiatement et de traduire les coupables en justice.
  7. Les campagnes de désinformation qui cherchent à inciter à la haine et à la violence, notamment dans les médias locaux et sur les médias sociaux, ont des effets délétères dans le pays. Je salue et relève le fait que le Président a condamné publiquement les incitations qui visent des organisations internationales, en particulier la MINUSCA, et j’appelle le Gouvernement à travailler en étroite collaboration avec ses partenaires aux fins de la mise en œuvre concrète des mesures annoncées, y compris la poursuite des instigateurs, l’objectif étant de protéger la population et les partenaires internationaux qui œuvrent dans le pays.
  8. La crise humanitaire aiguë qui sévit en République centrafricaine est profondément préoccupante. En effet, en raison des violences actuelles et de la pandémie de COVID-19, le nombre de personnes ayant besoin de protection et d’assistance s’est multiplié. Dans les zones touchées par les conflits, le contexte dans lequel les activités de protection sont menées est particulièrement délicat du fait de la destruction des infrastructures et des attaques perpétrées contre les travailleurs et les biens humanitaires. Je demande au Gouvernement et à tous les acteurs armés présents dans le pays de permettre à l’aide humanitaire d’être acheminée sans entrave. J’en appelle à la générosité des bailleurs de fond et des partenaires pour qu’ils restent mobilisés et qu’un soutien financier soit apporté au plan de réponse humanitaire du pays.
  9. J’invite le Gouvernement à redoubler d’efforts pour atteindre les populations isolées et renforcer la qualité des services fournis aux citoyennes et aux citoyens dans le cadre de ses efforts pour étendre l’autorité de l’État. Pour récupérer les territoires tombés sous le joug des groupes armés et en garder le contrôle par la suite, il importe de s’efforcer de renforcer la cohésion sociale.
  10. Le Gouvernement est encouragé à poursuivre la mise en œuvre de sa vision du secteur de la sécurité, telle qu’elle figure dans sa stratégie nationale pour le secteur de la sécurité et ses plans sectoriels. Je me félicite des progrès réalisés en matière de contrôle, notamment des travaux de l’Inspecteur général des forces armées et du rétablissement du système de justice militaire. J’appelle le Gouvernement à mettre en place, grâce au soutien unifié, coordonné et transparent de tous les partenaires, des institutions de sécurité professionnelles, inclusives et apolitiques. Il demeure primordial de renforcer la bonne gouvernance, le commandement et le contrôle ainsi que les capacités de ces institutions aux fins de la préparation opérationnelle minimale des forces de défense nationale et des forces de sécurité intérieure et il importe que cela soit érigé en priorité.
  11. Il est indispensable de lutter contre l’impunité pour parvenir à une paix durable. Je salue l’engagement pris par les autorités nationales de s’attaquer aux crimes graves perpétrés contre les civils et d’enquêter sur les attaques ayant ciblé des soldats de la paix. Il est en outre impératif d’adopter une approche équilibrée pour ce qui est de la responsabilité pénale de toutes les parties. Je ne puis que souligner l’importance du rôle de l’appareil judiciaire national, qui doit faire respecter la loi de manière impartiale et indépendante et veiller à ce que les détenus jouissent des garanties d’un procès équitable et vivent dans des conditions décentes. Je me félicite des travaux importants de la Cour pénale spéciale et j’encourage les efforts visant à poursuivre la mise en marche des travaux de la Cour et de la Commission vérité, justice, réparation et réconciliation, qui constituent des piliers importants de la justice transitionnelle.
  12. Je salue l’engagement qu’ont pris la République centrafricaine et le Tchad de résoudre les tensions récemment survenues à la frontière par la voie diplomatique. En outre, je me félicite de la visite conjointe effectuée au début du mois de juin, qui témoigne de l’engagement fort et continu des partenaires internationaux en faveur de la paix et de la stabilité en République centrafricaine. J’encourage la communauté internationale, y compris le groupe de travail créé par la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, à se concerter étroitement avec les autorités nationales et ses partenaires. J’invite les garants de l’Accord politique, l’Union africaine et la CEEAC, ainsi que les pays voisins, à coordonner étroitement leurs efforts pour renforcer la stabilité dans la région. L’ONU se tient prête à soutenir les initiatives régionales, notamment les efforts visant à donner un nouvel élan aux mécanismes régionaux de coopération politique et de sécurité conjointe.
  13. Dans ce contexte hautement fragile, la présence de la MINUSCA s’est avérée essentielle pour fournir un espace où voir émerger des solutions politiques durables en République centrafricaine. Conformément à l’autorisation donnée dans la résolution 2566 (2021), il est capital de continuer à renforcer la MINUSCA pour que celle-ci, qui a atteint la limite de ses capacités, soit dotée d’assez de moyens pour s’acquitter pleinement de son mandat, en particulier la protection des civils, sans préjudice de la responsabilité de protéger la population qui revient au premier chef aux autorités nationales. J’apprécie grandement que des pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police soient disposés à accélérer le déploiement de ces capacités essentielles, qui viennent renforcer la capacité de la MINUSCA d’aider à créer des conditions propices à l’avancement du processus de paix.
  14. Je souhaite exprimer mon soutien et ma profonde gratitude à mon représentant spécial, Mankeur Ndiaye, pour son dévouement constant au processus de paix en République centrafricaine et son leadership inébranlable. J’appelle toutes les parties prenantes à lui accorder un appui sans réserve pour que se concrétisent une paix durable, la stabilité et le développement durable. Je remercie également tout le personnel de la MINUSCA, les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, les organisations régionales, multilatérales et non gouvernementales, ainsi que tous les autres partenaires pour leur précieuse contribution.

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