Bangui, le 03 octobre 21
Le Gouvernement de la République centrafricaine, respectueux des instruments juridiques nationaux et internationaux, relatifs au respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, notamment les Conventions de Genève de 1949, la Charte africaine des droits de l’Homme, s’engage à jamais de mener la lutte contre l’impunité par la poursuite, la dénonciation et la cessation des violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire suite au rapport de synthèse de la commission d’enquête spéciale du tableau des violations dressé par la division des droits de l’homme des Nations-Unies ayant publié un rapport dénonçant 103 incidents des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, dont 23 ne sont pas avérés. La justice centrafricaine prend acte et s’engage à ouvrir les poursuites judiciaires sur Les responsables de ces incidents qui sont répartis en trois (3) catégories, outre les casques bleus de la MINUSCA : 1-Les FACA et les forces de sécurité intérieure ; 2-Les forces d’appui ; 3-Les rebelles de la CPC.
Nous publions ci-dessous l’intégralité du rapport de synthèse
RAPPORT DE SYNTHESE DE LA COMMISSION D’ENQUETE SPECIALE
A la suite de l’invalidation de la candidature à l’élection présidentielle de l’ancien président de la République François BOZIZE YANGOUVONDA, par la Cour constitutionnelle le 03 décembre 2020, celui-ci a initié un projet de déstabilisation du pays confirmé par la signature le 15 décembre 2020, de la Déclaration dite de « KAMBA KOTA » par six (6) groupes armés, pourtant signataires de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en Centrafrique (APPR-RCA)
A cet effet, il a été créé la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC).
Cette coalition a lancé des séries d’attaques coordonnées et ciblées sur plusieurs fronts. Le 13 janvier 2021, une offensive a visé la prise de la ville de Bangui, Capitale de la République Centrafricaine, mais les Forces Armées Centrafricaines (FACA), les Forces de sécurité intérieure, appuyés par les instructeurs russes, les soldats rwandais et les casques bleus de la MINUSCA, ont repoussé les assaillants qui ont fini par perdre, la quasi-totalité de leurs positions.
Le recours aux forces bilatérales et multilatérales s’est fondé sur les articles 28 et 29 de la Constitution du 30 mars 2016 qui disposent :
« …En cas de coup d’Etat, d’agression par un tiers ou par des mercenaires, les autorités habilitées par la constitution, ont le droit et le devoir de recourir à tous les moyens, pour rétablir la légitimité constitutionnelle y compris le recours aux accords de coopération militaires ou de défense en vigueur.
Dans ces circonstances, tout citoyen ou groupe de citoyens a le droit et le devoir de s’organiser d’une manière pacifique pour faire échec à l’autorité illégitime ». IL s’agit en fait de l’usage de la force légitime en cas d’agression et de légitime défense, cause de non-imputabilité de responsabilité.
Suite à ces opérations militaires salvatrices pour la protection des institutions républicaines, la paix et la sécurité de la population centrafricaine, la division des droits de l’homme des Nations-Unies a publié un rapport dénonçant 103 incidents des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qu’auraient été commis par les FACA et les forces d’appui, au cours de leurs contre-offensives et ratissages contre les rebelles de la CPC.
Face à la gravité des faits dénoncés, son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Professeur Faustin Archange TOUADERA, respectueux des droits de l’Homme, a instruit le Gouvernement de mettre en place une commission d’enquête spéciale, chargée de faire la lumière sur les dénonciations et les allégations figurant sur le tableau intitulé : « Tableau des violations commises par les acteurs étatiques/forces bilatérales courant décembre 2020 à avril 2021 ».
Ainsi, le Gouvernement, par l’intermédiaire du Ministre en charge de la justice, des droits de l’homme, Garde des Sceaux, a créé par arrêté du 04 mai 2021, une commission d’enquête judiciaire dénommée « Commission d’Enquête Spéciale », chargée de faire la lumière sur les présumés crimes graves, les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qu’auraient commis les Forces Armées Centrafricaines (FACA) et leurs alliés, lors de leurs contre-offensives et ratissages, sur le territoire national contre les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), couvrant la période de décembre 2020 à fin avril 2021.
La commission a pour mission d’interroger toute personne dont l’audition est nécessaire à la manifestation de la vérité (témoins, parties civiles, organisations de la société civile etc.).
Elle dressera un rapport d’ensemble, à transmettre au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux à toutes fins de justice.
Compte tenu de l’ampleur de la mission et de nouveaux cas qui méritaient d’être élucidés, le mandat de la Commission d’enquête spéciale, a été prorogé de deux mois supplémentaires par arrêté ministériel N°025 du 04 août 2021.
Le mercredi 29 septembre 2021, la commission d’enquête spéciale par l’entremise de son président, m’a remis le rapport de synthèse avec les pièces annexes.
Je me réjouis de ce travail faramineux et tiens à féliciter le président de la commission et tous ses membres, ainsi que toutes les bonnes volontés qui ont facilité le travail de la commission.
Je tiens personnellement à remercier le Président de la République, Chef de l’Etat et le Premier Ministre Chef du Gouvernement, qui, en dépit des difficultés financières que traverse le pays en ce moment, ont mis les moyens nécessaires à la disposition de la Commission d’enquête spéciale afin de mener à bien cette mission.
Mes remerciements vont également à l’endroit de la MINUSCA pour son appui à la réussite de la mission de lutte contre l’impunité.
Les investigations de la Commission d’enquête spéciale se sont déroulées dans le ressort des trois cours d’appel de la RCA, à savoir BANGUI, BAMBARI et BOUAR.
Les groupes de personnes auditionnées sont :
- Les autorités politico-administratives ;
- Les officiers des FACA ;
- Les femmes leaders ;
- Les notables (Chefs de villages, députés ou suppléants députés) ;
- Les religieux (Prêtres, Imans et Pasteurs) ;
- Les ONG des droits de l’Homme ;
- Les représentants des Humanitaires ;
- Les représentants de la société civile ;
- Les OPJ (Police et Gendarmerie) des localités visitées ;
- Les représentants des taxi-motos ;
- Les représentants des taxis brousses ;
- Le personnel de la MINUSCA ;
- La population civile ;
- Les Procureurs près les Tribunaux de Grande Instance ;
- Les représentants des associations des victimes ;
- Les témoins et certaines victimes ;
- Les représentants des groupes armés.
L’objectif de la mission est de vérifier la véracité des faits énoncés dans le rapport de la division des droits de l’homme des Nations-Unies.
La Commission a adopté une méthodologie classique en respectant les droits humains et les droits de la défense, le principe de la présomption d’innocence, le respect de la protection des témoins et des victimes, la sécurisation des informations recueillies et de leurs sources, l’enquête à charge et à décharge.
Il ressort des investigations que sur les 103 incidents de violations de droits de l’Homme et du droit international humanitaire, certains ont été effectivement commis. Il s’agit des infractions suivantes :
- Exécutions extrajudiciaires pendant la guerre asymétrique et injuste déclarée par la CPC ;
- Arrestations et séquestrations arbitraires ;
- Actes de tortures, de traitements dégradants et inhumains ;
- Occupations des édifices publics, des écoles, des hôpitaux et des lieux de culte ;
- Entrave aux ONG humanitaires d’exercer leur mission.
Cependant, 23 cas présumés de ces violations ne sont pas avérés.
Les responsables de ces incidents sont répartis en trois (3) catégories, outre les casques bleus de la MINUSCA :
- Les FACA et les forces de sécurité intérieure ;
- Les forces d’appui ;
- Les rebelles de la CPC.
S’agissant des dénonciations frappées du sceaux de secret pour protéger les témoins et les victimes, leur contenu ne saurait être rendu public. La présente synthèse a pour objet d’informer l’opinion nationale et internationale sur l’aboutissement des travaux de la commission d’enquête spéciale et situer les infractions susceptibles d’être retenues et les présumés auteurs.
- Les faits imputables aux FACA et aux forces de sécurité intérieure
Il résulte des différentes auditions que des incidents révélés par la division des droits de l’homme des Nations-Unies, la plupart des cas sont avérés et imputables en partie aux FACA et aux autres forces de sécurité intérieure. Ces cas font déjà l’objet de poursuites judiciaires, pour certains devant les juridictions militaires, notamment le Tribunal Militaire et la cour martiale de Bangui qui est en pleine session. Pour d’autres cas, les juges d’instruction sont saisis pour la traduction des présumés auteurs devant les juridictions de droit commun, des sessions criminelles étant prévues pour les prochaines semaines.
Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 25 du Code de Procédure Pénale, j’ai instruit le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bangui, d’ouvrir immédiatement une enquête judiciaire aux fins d’approfondir les enquêtes pour élucider les autres cas qui ne sont pas encore suffisamment documentés, pour traduire les présumés auteurs et complices devant les juridictions de jugement.
Les faits imputables aux forces d’appui
Sur les incidents avérés, certains sont imputables aux instructeurs russes qui sont en appui aux FACA dans la lutte contre les éléments de la CPC. Il est constant qu’en RCA, plusieurs contingents dans le cadre des Nations-Unies, de l’Union Africaine, de la CEMAC, de la CENSAD et de la CIRGL, ont participé à des opérations de maintien de la paix en Centrafrique. Dans le cadre de ces accords, en cas de violations graves des droits de l’Homme et de commission des crimes graves sur le territoire national, ce sont les Etats fournisseurs des troupes, une fois saisis de la procédure par une enquête interne, qui organisent des audiences par leurs juridictions militaires, pour juger les combattants présumés coupables. C’est ce qui s’est passé avec certains éléments de l’opération SANGARIS, les membres du contingent congolais de la MINUSCA, et récemment avec le contingent gabonais de la MINUSCA qui a été rapatrié.
Les faits reprochés aux forces d’appui, notamment les instructeurs russes, sont en train d’être documentés pour la saisine des juridictions de leur pays.
Par ailleurs, nous notons avec satisfaction que des instructeurs russes, aient été rapatriés par leur hiérarchie et seront jugés dans leur pays pour inconduite perpétrée dans la localité de PAOUA.
- Les faits imputables aux rebelles de la CPC
Il a été relevé que des 103 incidents, la majeure partie est imputable aux rebelles de la CPC. Comme pour les FACA, certains sont déjà sous poursuite devant les juridictions de droit commun et seront jugés lors des prochaines sessions criminelles pour avoir perpétré toute une panoplie de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. D’autres cas plus graves, seront déférés devant la Cour Pénale Spéciale (CPS) ou la Cour Pénale Internationale (CPI).
En plus des incidents dénoncés par la division des droits de l’homme des Nations-Unies, la commission d’enquête spéciale a identifié plusieurs cas de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, imputables aux rebelles de la CPC. Il s’agit entre-autres :
- Des violences sur la population civile ;
- De la destruction des édifices publics ;
- De l’assassinat de 8 casques bleus ;
- De l’assassinat et de la destruction des biens des personnes jouissant de la protection internationale ;
- De l’assassinat de certaines forces de défense et de sécurité intérieure et des forces d’appui ;
- Du massacre de 12 jeunes hommes sur l’axe KOKI à BOSSANGOA ;
- De l’attaque dirigée contre la délégation pastorale de l’église ELIM au village NZELETE à 17 kilomètres de la ville d’ALINDAO ;
- Des actes de terrorisme perpétrés dans la Préfecture de la NANA-MAMBERE ;
- De la pose des engins explosifs dans les préfectures de la NANA-MAMBERE, de l’OUHAM-PENDE et de LIM-PENDE.
Le Gouvernement s’emploie à documenter ces exactions pour des poursuites pénales. Une procédure d’extradition sera engagée contre les présumés commanditaires membres de la CPC, qui sont en fuite ou arrêtés dans la sous-région, conformément aux accords de coopération judiciaire.
Le Gouvernement de la République centrafricaine, respectueux des instruments juridiques nationaux et internationaux, relatifs au respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, notamment les Conventions de Genève de 1949, la Charte africaine des droits de l’Homme, s’engage à jamais de mener la lutte contre l’impunité par la poursuite, la dénonciation et la cessation des violations graves des droits de l’Homme et du droit international humanitaire.
Par conséquent, le Ministère d’Etat chargé de la Justice, de la Promotion des Droits Humains et de la Bonne Gouvernance, envisage de maintenir la Commission d’Enquête Spéciale, comme un organe de veille, afin de documenter promptement toutes les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, qui pourraient être commises par quiconque sur l’ensemble du territoire national, aux fins de poursuite et des mesures appropriées.
Telle est la quintessence du présent rapport de la Commission d’enquête spéciale.
Dr Arnaud DJOUBAYE ABAZENE,
Ministre d’Etat Chargé de la Justice la Promotion des Droits Humains
et de la Bonne Gouvernance, Garde des Sceaux