Bangui, le 07 mai 18
Les dernières instructions de Abdoulaye Hissène à « Force », étaient que ce dernier sème le désordre, la pagaille, la mort et la désolation à Bangui. L’objectif est de perturber, de troubler, de dérouter la stratégie du gouvernement et de la Minusca, afin de faciliter la progression de Abdoulaye Hissène et sa troupe de Kaga-Bandoro. Le véritable danger, l’apocalypse, c’est ce qui vient de Kaga-Bandoro. Les Centrafricains sont loin d’oublier les affres des Séléka en 2012 jusqu’en 2015. La Société civile a exactement abondé dans le sens de la stratégie de « Force ». Seulement la ville morte a des conséquences.
Les routes sont barricadées, rendant impossible tout déplacement. Or, de source hospitalière, le carnage de Notre Dame de Fatima a fait vingt deux (22) morts et cent quatre-quinze (195) blessés, tout admis aux urgences pour des soins intensifs. Les pharmacies sont hermétiquement fermées. Les médecins mobilisés ne pouvaient pas rejoindre les hôpitaux pour veiller sur les blessés. Si besoins de médicaments il y a, on ne peut s’en procurer, car toutes les pharmacies sont fermées. En cas de décès, la Société civile est responsable. Les Centrafricains, hélas, n’aiment pas leur pays. Les petits calculs politiciens priment sur l’intérêt vital de la nation. Même ceux qui hier, malgré leur rang et grade, ont été malmenés, humiliés par les Séléka, jouent avec le feu. La soif du pouvoir ne peut faire perdre de vue le carnaval d’atrocités des Séléka. La ville morte étant désormais du passé, la Société civile va-t-elle rejoindre le front Séléka ? La Société civile montera-t-elle en grade ?
« Ne jamais trahir la RCA ». Le Président Fondateur de la RCA, feu Barthélémy Boganda, conscient que la mort le suivait, n’a « jamais trahi la RCA ». Il a accepté le sacrifice suprême pour que nous ayons la liberté, l’indépendance, même apparente. Le président feu David Dacko a refusé de verser le sang des Centrafricains pour le pouvoir. Les Centrafricains l’on traité de faible, de femme. Humaniste convaincu, le président n’a pas vu l’intérêt de verser le sang des Centrafricains pour conserver le pouvoir par tous les moyens. Feu président Kolingba avait tous les moyens, une armée forte pour s’imposer, mais il a opté pour un transfert pacifique du pouvoir. Les chefs forts et rugueux ont commencé à se succéder à la tête du pays. La RCA s’est transformée en une boucherie humaine. Que de sang qui coule à flot en RCA, depuis 1996 à ce jour. Les massacres, les viols industriels, les destructions, les incendies de villages, la prédation minière, sont le lot au quotidien. Plus de 20 ans de deuil, des larmes, de la désolation, de la misère absolue, de la pauvreté océanique, aucun leader politique ne pense à cette population très meurtrie et presque morte à moitié. Seule la course aveugle du pouvoir compte. C’est pour gouverner qui ? Des morts, des fantômes, des tombeaux ? Ou veut-on gouverner un peuple ? Les massacres touchent en grande majorité le corpus électoral.
De 1996 à 2018, qu’est-ce que nous avons gagné dans la guerre ? Absolument rien du tout, mais les pertes en vies humaines, en matériels, sont colossales. Non seulement nous sommes très pauvres, mais nous détruisons le peu qui existe. La Communauté internationale n’a cessé de le dire, « la résolution de la crise incombe aux Centrafricains et à eux seuls ». Voyons la race de nos hommes politiques, examinons notre société civile, c’est la désolation. Personne ne veut voir son pays, personne n’analyse le sort du peuple centrafricain, mais chacun veut cibler un individu. Les élections, le mandat, l’alternance semblent insupportables par la classe politique et la société civile. L’ignorance de la culture démocratique est pire qu’un tsunami dévastateur. C’est la triste réalité en RCA.
La Société civile ignore-t-elle la reconstruction de l’armée ? Tout le monde déplore le rythme du recyclage de nos soldats, alors que la pression des groupes armés se fait plus pressante. Il n’y a pas de miracle à opérer. C’est la logique de la Communauté internationale qui est avec nous, qui connait les problèmes et qui nous accompagne. Elle ne pourra pas laisser la RCA retomber dans la valse des atrocités de 2012 à 2015. Les Centrafricains se complaisent à justifier les crimes, au lieu de les condamner systématiquement, car nul n’a le droit de tuer son prochain. Qui va sortir la RCA de cet enfer ? Touadéra seul ou ce sont tous les Centrafricains unis comme un seul homme, parlant le même langage. Quand les intérêts particuliers priment sur l’intérêt national, c’est le peuple qui paie les pots cassés. Depuis novembre 2012 jusqu’en 2018, tous les jours, nous enregistrons des morts, des blessés, des destructions. Qu’avons-nous gagné ? Tout cela pour le pouvoir, mais qui sera content d’avoir des criminels à la tête du pays ? Pourquoi la Séléka avait été déboutée du pouvoir après dix (10) mois seulement d’exercice ? La Communauté internationale ne pouvait et ne peut tolérer les bouchers humains comme partenaires. C’est ce qui a motivé les élections du 30 décembre 2015. Abdoulaye Hissène a été condamné par la Cour Criminelle de Bangui au mois de février 2018. Quelle sera son attitude vis-à-vis des magistrats centrafricains, principalement ceux qui l’ont jugé ? L’Etat de droit qui est désormais une réalité, subsistera-t-il ? Autant d’interrogations auxquelles la Communauté internationale doit nous donner une réponse. Faut-il massacrer pour massacrer, détruire pour détruire, maintenir la population dans la misère et la pauvreté ? C’est le pouvoir que l’on veut, pour en faire quoi ? En quoi la Séléka a changé, si ce n’est la recherche de la vengeance, des règlements de compte, pour mettre le pays à feu et à sang ? De grâce, le peuple centrafricain a droit à la vie et au bien-être et doit jouir de la démocratie retrouvée.
Julien BELA