Bangui, le 18 mars 2022
A Bangui actuellement, il est devenu de plus en plus difficile pour les commerçants et les usagers de disposer de pièces de monnaie, indispensables pour les courses de tous les jours et les petites transactions.
Depuis un an, précisément, la raréfaction des pièces de monnaie est observée sur le marché centrafricain et fait grand bruit. Dans des reportages, la presse locale en fait largement écho, relayant la colère de la population et la difficulté de commercer. Dès qu’un client se pointe devant un commerçant, c’est la question suivante qui l’accueille : « Avez-vous de la monnaie ? » Si, oui, vous êtes servi. Sinon, vous galérez. « La rareté des pièces de monnaie bloque énormément de transactions financières et certaines activités. Le matin, il est difficile d’emprunter un taxi ou une moto car le conducteur vous dit qu’il n’a pas de monnaie pour votre billet de banque ou bien pour votre pièce de 500 francs CFA. Au marché, nous vivons ce même calvaire », explique à notre Rédaction, Emma YOYO, une ménagère.
Et les autorités monétaires nationales de reconnaître l’existence de cette problématique, sans en avoir une explication précise. « Je n’en ai pas connaissance de façon précise. Mais je sais que, par voie de presse, il y a des comportements de certaines entreprises qui, non seulement transfèrent des pièces de monnaie FCFA, mais exportent ces pièces », a fait savoir un cadre de la BEAC. « Nos services mènent des enquêtes avec les autorités des pays membres de la CEMAC pour déterminer l’ampleur de ce phénomène afin de nous doter des moyens pour le circonscrire. Il y a déjà des mesures d’interdictions qui sont prises çà et là. C’est un sujet sur lequel nos équipes sont à pied d’œuvre pour déterminer l’ampleur, les circuits, et l’historicité », a-t-il poursuivi.
Au constat d’une pénurie inédite, les autorités de la place, ont annoncé le lancement d’investigations sur cette affaire. Toutefois, et en attendant le résultat de ces investigations, des opérateurs asiatiques sont déjà pointés du doigt. « Les Chinois possèdent les machines à sous, dans des salles de jeux, qui servent à collecter les pièces de 50 et 100 FCFA. Des Chinois en partance pour leur pays, avaient été interpellés maintes fois au niveau de la frontière, en possession de sacs de pièces de monnaie », a souligné un cadre du ministère des finances, contacté par notre Rédaction. « Certains de nos compatriotes auraient fait de la collecte des pièces une activité rémunérée au profit des collecteurs. Il s’agit d’un vaste réseau de trafic de pièces de monnaie. Le gouvernement doit faire de son mieux pour le démanteler », a ajouté une habitante du quartier Miskine. Cette hypothèse est confirmée par d’autres opérateurs économiques. D’après le Groupe international d’étude sur le Cuivre (ICSG), ce métal est toujours autant prisé à cause de sa valeur marchande et se revend à prix d’or à plus de 6.000 euros la tonne. « Ceci peut expliquer la raison pour laquelle les pièces de monnaies sont clandestinement exportées vers l’Asie », estime l’ICSG. « Vos pièces de monnaie exportées en Asie ne servent pas seulement à fabriquer des bijoux, elles sont également moulées pour faire des cadeaux », ajoute la même source. A rappeler, enfin, que c’est aux lendemains de la seconde guerre mondiale que la France conquérante et victorieuse crée officiellement le franc des « Colonies Françaises d’Afrique » (CFA), par le biais du décret 45-0136 du 25 décembre 1945, signé par Charles de Gaulle (président du gouvernement provisoire), René Pleven (ministre des Finances), et Jacques Soustelle (ministre des Colonies). Il prendra par la suite la dénomination de « franc de la Communauté financière africaine » pour l’Afrique de l’Ouest et « franc de la Coopération financière en Afrique centrale » pour l’Afrique centrale. Le franc CFA est aujourd’hui en circulation dans 14 pays africains membres de la zone francs. Il s’agit des États suivants : le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, qui constituent l’Union Monétaire Ouest Africaine (Uemoa), dont l’Institut d’émission est la Bceao ; le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Équatoriale et le Tchad, qui forment la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), dont l’institut d’émission est la Banque des États de l’Afrique Centrale (Beac), créée en 1972 et dont le siège est à Yaoundé. La valeur du FCFA, auparavant indexée sur le franc français, est aujourd’hui indexée sur l’euro, avec une parité fixe : 1 euro = 655,96 francs CFA. La moitié des réserves de change des pays utilisant le franc CFA sont déposées auprès de la Banque de France. Les pièces et les billets sont produits dans une imprimerie de la Banque de France à Chamalières, en banlieue de Clermont-Ferrand, dans le centre de la France.
@JLG