RCA : POUR QUE LA CENTRAFRIQUE VIVE A SES DEPENDS

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Bangui, le 09 juin 20

Chaque année, les services de l’Etat que comportent les différents ministères s’évertuent à monter des budgets (investissement, fonctionnement), compilés dans ce qu’on appelle souvent, la « loi des finances ».  Cette loi est scrutée par la commission parlementaire (de l’assemblée nationale pour l’instant), en charge de la question, débattue et adoptée avant sa mise en exécution par décret. Cette loi des finances repose en grande partie sur la prévision des recettes de l’Etat, lesquelles sont complétées par les aides extérieurs. La question qui se pose est de savoir si tous les aspects pris en compte en ce qui concerne les rentrées d’argent propre de l’Etat sont contrôlés de sorte à rendre l’Etat fort et non dépendant des aides étrangères ? « That is the question ». Et nos valeureux fils du pays tentent d’éclairer la lanterne à propos. En voici un exemple.

Fiscalité indirecte optimale et taxation des secteurs de consommation en RCA

Jean-Lambert BANZARA

Faculté des Sciences Economiques et de Gestion

Université de Bangui

E-mail: jbanzara@yahoo.fr

 

Résumé

Les ressources budgétaires de la RCA proviennent à 80% des recettes fiscales et douanières.  En  analysant la structure des recettes fiscales, on se rend compte que les impôts indirects rapportent autant que les impôts directs. Or, il s’avère que les taux des impôts indirects sont fixés en RCA de manière sous optimale,  ce qui explique la faible mobilisation des recettes provenant de ce type d’impôts. Le présent article essaie à partir des résultats théoriques de la fiscalité optimale de Ramsey, de déterminer les taux optimaux de taxation des biens et services, et d’en évaluer les écarts par rapport aux taux en vigueur appliqués aux secteurs de consommation en RCA.

Mots clés : fiscalité indirecte optimale, taxation des biens et services, secteurs de consommation.

 Abstract

The C.A.R. budget resources are from 80% of tax and customs takings. Analysing the structure of tax takings, we realize that indirect tax brings as much as direct tax. However, it seems that indirect tax is set in C.A.R. under an optimum way, wich justifies the low takings mobilization of this type of tax. This article tries from the theorical results of the optimum tax of Ramsey, to determine the optimum tax rates of goods and services and to asses the gaps according  to the rates in force used in C.A.R. consumption sectors.

Keywordsoptimum tax, tax of goods and services, consumption sectors.

  1. Introduction

La maximisation des ressources de l’Etat en particulier, les recettes fiscales afin de financer les charges publiques, est une préoccupation majeure des pouvoirs publics partout ailleurs dans le monde. La question a été aussi au centre de recherche des chercheurs en fiscalité depuis plusieurs décennies. L’impôt étant un prélèvement obligatoire avec ou sans contrepartie et servant à financer des charges régaliennes de l’Etat, peut nuire au produit de ses recettes, si son taux n’est pas  fixé à un niveau optimal. Déjà, le problème de la  répartition de la charge fiscale entre les différents produits de consommation finale afin de maximiser l’utilité de l’agent représentatif a été posé par Pigou en 1920, qui a  justifié entre autres, l’extension de la taxation aux ressources environnementales en ces termes : comme le marché ne donne aucune valeur aux biens environnementaux « gratuits » d’accès commun à tous, tels que l’air, l’eau ou le vent, il convient que le gouvernement taxe leur usage pour les protéger d’une surexploitation.

Ensuite, les travaux de Ramsey [1927] sur la question de la répartition optimale de la charge fiscale entre les différents biens de consommation deviendra un problème de choix public que l’auteur va modéliser dans le cadre de l’économie publique normative au centre de laquelle la microéconomie est privilégiée. Il s’agit de maximiser une fonction objectif représentée par le bien-être social et dont l’argument est l’agrégation des utilités individuelles  sous la contrainte d’un niveau donné des recettes fiscales. Ces consommateurs sont censés consommer un même bien, ce qui suppose une certaine égalité du point de vue de goût, de préférence, et du revenu, d’où l’hypothèse d’agent représentatif chère à l’auteur. Les résultats de Ramsey, en prenant en compte les restrictions de Baumol et Bradford [1970], ont montré que le taux de la taxe optimale sur les biens et services est celui qui est fixé de manière inversement proportionnelle à l’élasticité-prix directe du bien taxé.

La RCA est un pays membre de la CEMAC dont les ressources budgétaires sont essentiellement assises sur les recettes fiscales. Ces dernières proviennent des impôts directs et indirects.  Alors que les recettes fiscales de la RCA sont les plus faiblement mobilisées de la sous-région, l’on peut penser que l’un des facteurs de cette faible mobilisation est attribuable à la sous-optimalité de la taxation des biens et services dans le pays.

Le présent article se propose d’évaluer l’optimalité de la taxation des secteurs de consommation en RCA au regard de la prescription de la taxation optimale de Ramsey, étant donné que les impôts et taxes intérieurs dans ce secteur rapportent autant que les impôts sur les revenus.

  1. II) Revue de littérature empirique

Les travaux pionniers de Ramsey (1927) sur la taxation optimale s’inspirèrent de l’idée de Pigou (1920) sur la manière de répartir la charge fiscale entre les produits de consommation finale pour maximiser l’utilité de l’agent représentatif. Ramsey (1927) établit qu’en l’absence d’interdépendance des préférences, le taux d’impôt affectant un bien de consommation devrait être inversement proportionnel à sa propre élasticité de demande. Dans ce cas, les taux de taxation sur les biens inférieurs devraient être supérieurs à ceux appliqués aux biens de luxe. Mais ce  résultat est contraire au sens commun de justice sociale puisqu’il suggère de taxer plus les pauvres qui consomment en majorité les biens vitaux ou de première nécessité.

Conscients du paradoxe que présente le résultat de Ramsey, des auteurs tels que Diamond et Mirrlees (1971), Diamond (1975) et Mirrlees (1976) ont étendu le cadre d’agent représentatif au cadre multi-agents pour distinguer les groupes de ménages selon leurs goûts, leurs préférences etc. Leur modèle amélioré montrent des résultats contraires au premier signifiant que le taux d’imposition optimal doit être aussi moins élevé que le bien est consommé par les ménages les plus pauvres. Ce résultat tient également compte de l’efficacité économique car dans sa version le taux d’imposition optimal est aussi une fonction décroissante de l’élasticité de substitution.

Cependant, l’application du modèle de Ramsey est restreinte dans un système où l’impôt indirect est la seule source de recettes fiscales. En présence de l’impôt sur le revenu, les implications en termes d’efficacité économique et d’équité ne sont plus nécessairement respectées.

L’idée d’introduire l’impôt direct dans la quête d’optimalité émane de Mirrlees (1971). L’originalité de sa méthode tient au fait qu’en mettant l’accent sur les effets de redistribution et de distorsion ainsi que sur leurs interrelations, les caractéristiques de la fiscalité directe optimale apparaissent.

S’inspirant des travaux de Mirrlees, Atkinson et Stiglitz (1976) ont mis l’accent sur l’articulation entre les impôts directs et indirects pour l’élaboration d’une politique fiscale optimale. Sous l’hypothèse de séparabilité faible du travail et du loisir dans la fonction d’utilité, ils ont conclu que l’unicité des taux indirects sur les biens de consommation finale était la solution optimale du système de taxation. Cependant, le caractère optimal de  l’unicité des taux indirects exige au préalable que l’impôt direct soit non linéaire et optimal.

En outre, Atkinson et Stiglitz (1976) ainsi que Deaton (1979) ont formulé des  restrictions dans la fonction d’utilité de sorte qu’aucune forme de différenciation des taux d’impôt sur les biens ne soit optimale, lorsque la fiscalité sur le revenu est linéaire.

La méthodologie proposée par Atkinson et Stiglitz (1976) a été généralisée par Kaplow (2006, 2008a) à travers l’utilisation d’une approche plus directe et plus intuitive. Précisément, cet auteur a démontré qu’il n’est pas nécessaire que l’impôt sur le revenu soit optimal ; sa seule présence est suffisante pour établir l’optimalité d’un système à taux unique. Par ailleurs,  Atkinson et Stiglitz (1976) ont montré qu’en l’absence de l’hypothèse de la séparabilité, c’est plutôt la différenciation des taux qui devient la solution optimale.

Mirrlees (1976) a noté quant à lui qu’en relâchant l’hypothèse d’indépendance des préférences aux capacités des ménages, la différenciation devient optimale. Ces préoccupations ont conduit à intégrer l’hétérogénéité des préférences dans les développements théoriques. Ainsi, en supposant l’existence d’hétérogénéité des préférences, a fait observer qu’en de l’hypothèse d’hétérogénéité des préférences, les types de relations (séparabilité, indépendance des préférences aux capacités) n’étaient pas déterministes, si bien qu’il est difficile de statuer sur leur validité.

Pour Kaplow (2008a) l’impôt sur le revenu est l’instrument au cœur du dispositif fiscal permettant de résoudre des problèmes d’équilibre des finances publiques et de la recomposition des paniers des ménages. Au-delà du fait que le système à taux unique soit optimal, Kaplow (2006) a publié un autre résultat intéressant selon lequel, toute réduction de la différenciation des taux indirects améliore le bien-être au sens de Pareto. L’auteur a fini par donner une généralisation de son résultat  en démontrant que toute réforme fiscale qui améliore les recettes de l’Etat sans détériorer la satisfaction des ménages, entraîne l’accroissement du bien-être au sens de Pareto. Toutefois, plusieurs auteurs ont précisé que l’établissement d’un taux indirect unique n’est pas toujours optimal.

En effet, l’approche de Kaplow a été développée pour la première fois par Hylland et d’autres analyses  comme celles de Konichi (1995) et Laroque(2005) ont montré qu’en présence de la fiscalité non linéaire sur le revenu,  la taxation différenciée sur la consommation n’est pas optimale.

Une littérature abondante est  a été consacrée l’hétérogénéité des préférences et des dotations des ménages  en relation avec le système de taxation optimale. Il s’agit des auteurs comme, Hylland et Zeckhauser (1979) et Boadway et Keen, (1993) qui se sont intéressés à la question d’hétérogénéité  appliquée dans plusieurs domaines tels que les biens publics. D’autres auteurs tels que Ebert (1988), Tuomala (1990), Armstrong et Rochet (1999), et Tarkiainen et Tuomala (1999) ont étudié  certaines possibilités techniques relatives à la taxation non linéaire du revenu. Quant à Cremer et al. (2001), ils ont discuté des modalités de modification du résultat d’Atkinson et Stiglitz (1976) en présence de différence des dotations inobservables des ménages.

Enfin, Kaplow (2008b) a analysé la relation entre les différentes spécifications des préférences et le niveau du bien-être qui en découle. Il a montré que les effets de l’hétérogénéité sont directement liés à la valeur sociale marginale de la redistribution plutôt qu’à la distorsion du niveau d’effort.

Spécifiquement, lorsque l’hétérogénéité n’est pas observable, l’uniformité des taux de taxation sur les biens et services n’est pas optimale. En revanche, si l’hétérogénéité est observable, l’uniformité des taux comme solution optimale est préservée.

 Si l’on s’en tient à la littérature récente sur la taxation indirecte, un certain nombre de travaux se sont penchés sur les droits d’accises comme source potentielle des recettes et de réduction des  externalités négatives de certains produits. Ainsi selon le Fonds Monétaire International (2011), les accises constituent un potentiel inexploité des recettes fiscales alors que leur proportion tend à diminuer entre 1980 et 2008 et que l’on estime à 0,5% du PIB le supplément des recettes qu’il faut dégager en Afrique subsaharienne pour atteindre la moyenne mondiale. D’autres travaux ont assigné trois objectifs  aux assises à savoir l’amélioration des recettes fiscales en complément de la TVA,  l’internalisation des externalités négatives  pour supporter les coûts sociaux de la santé,  de la pollution ou de congestion aux consommateurs de tabac,  alcool essence émetteurs de ces externalités. Pour Bird et Wallas (2010),  Bird (2015),  Who (2014),  le changement de priorité en matière d’impôt implique une adaptation de la politique d’accises sur l’alcool et le tabac tandis que pour  Kenn (1998) l’adaptation d’accise consiste à appliquer la taxe ad valorem  censée être efficace dans les pays à forte inflation. En réduisant la quantité consommée totale en fonction des élasticités-prix des biens (effet revenu),  la taxe réduit le prix relatif du bien de qualité supérieure et l’effet de substitution qui en résulte conduit à augmenter la part du bien de qualité supérieure ce qui contribue à réduire les externalités.

On se rend compte que la majorité de littératures visitées ont pour la plupart du temps abordé la question de l’optimalité de la taxation indirecte des biens  en privilégiant  les droits d’accises comme meilleure taxation pouvant mobiliser le potentiel fiscal et internaliser les externalités négatives  puis créer un effet de substitution entre les biens supérieurs et les biens inférieurs grâce à la modification des prix relatifs induite par les accises.

Le présent travail cherche à caractériser le système fiscal indirect centrafricain appliqué au secteur de consommation en retenant le cadre d’agent représentatif et en postulant l’hypothèse que les caractéristiques individuelles des ménages centrafricains en terme de préférence, de goûts, d’utilité et des dotations individuelles en ressources ne sont pas connues dans les statistiques fiscales retenues de la RCA.

III) Méthodologie

La méthodologie du présent travail privilégie la théorie de la fiscalité optimale de Ramsey (1927) dont nous analysons le cadre et les hypothèses de base.

3.1.  Hypothèses et formulation du modèle

En économie publique de l’impôt, la fiscalité appréhendée comme un cas particulier du  coût supplémentaire  dont l’effet principal est d’introduire une distorsion entre le prix payé par l’acheteur d’un bien ou service et le prix encaissé  par le vendeur et dont la différence appelée coin fiscal et encaissée par l’Etat,  a pour effet la réduction du bien-être de vendeur et de l’acheteur ; le premier considérant la transaction comme effectuée à un prix faible et pour le second,  à un prix élevé et pour des quantités réduites.

L’article de Ramsey apparait comme fondateur car, il va poser les conditions d’optimalité des choix publics en matière fiscale. Sur ce point, l’économie publique de l’impôt se scinde en deux disciplines dont l’économie publique normative et l’économie publique positive qui étudient les conséquences des actions de l’Etat en matière fiscale ; la première analysant les  règles d’imposition des contribuables et, la seconde évaluant les conséquences des prélèvements  sur  le bien-être  des contribuables et sur  les équilibres économiques.

Dans le cadre de l’étude normative de l’impôt, la méthodologie adoptée par Ramsey  a pour base d’analyse la microéconomie, où l’objectif des pouvoirs publics est de maximiser une fonction d’utilité sociale dont l’expression est l’agrégation des utilités individuelles dépendant d’un seul bien de consommation (ou des biens identiques) sous la contrainte des recettes collectées. Autrement dit, la maximisation de la fonction objectif se fait sous la contrainte de la minimisation des pertes en bien-être c’est-à-dire de l’efficacité. Le modèle de Ramsey se présente de la manière suivante :

Considérons un consommateur représentatif avec un revenu exogène y, des prix du consommateur p= (p1, p2……..p) et des prix du producteur   q= (q1, q2 …q).

Considérons t=p-q, la différence entre le prix du consommateur et le prix du producteur. Nous supposons de plus que le premier bien est le numéraire q1=1.

Les hypothèses de base du modèle de Ramsey sont les suivantes :

H: les marchés sont concurrentiels et sans externalités;

H: les rendements d’échelle sont constants;

H3 : le consommateur est un agent représentatif. Il existe n entreprises produisant un seul bien de consommation finale soit au total n biens;

H: les demandes des n-1 biens de consommation sont indépendantes les unes des autres (les élasticités croisées de ces biens sont nulles) ;

H: seuls les biens de consommation sont taxés, le travail ne l’est pas;

H6 : la contrainte budgétaire du consommateur est une fonction linéaire du taux de taxation. Le travail et la consommation sont les deux arguments séparables de la fonction d’utilité du consommateur;

H: le cadre d’analyse est le marché partiel : le prix au producteur ne varie pas même si les taux de taxation varient. Cela veut dire que la taxe est entièrement supportée par le consommateur.

On considère que l’exonération du travail base de raisonnement de Ramsey est la cause de distorsions dans les choix entre les différents biens indépendants et le travail. Aussi, la  différentiation des taux est déterminée par des relations de substituabilité et de complémentarité entre chaque bien et le travail.

L’objectif du planificateur social est donc de récolter un revenu R en minimisant le coût en bien-être pour les consommateurs. Autrement dit, la taxation forfaitaire qui serait non discrétionnaire est à priori exclue à cause de son inéquitabilité.

Le problème de la taxation optimale peut alors s’écrire de la manière suivante :

(1)

En utilisant la fonction d’utilité indirecte, le programme se présente sous la forme suivante :

(2)

Le  Lagrangien s’écrit de la manière suivante :

(3)

La condition de premier ordre donne :

avec

En utilisant l’identité de Roy  , on trouve :

est l’utilité marginale du revenu.

En utilisant la condition de Slutsky, on obtient :

avec

En tenant compte de la symétrie , on obtient :

avec

Le terme  représente la différence entre le coût marginal en termes d’utilité de la levée du fonds par une taxe forfaitaire et le coût marginal de la levée de fonds par la taxation des biens. Cette différence représente la charge excessive du système des taxes et mesure les distorsions impliquées par ce dernier.  est appelé indice de découragement de Mirrlees qui est nécessairement négatif.

3.2.  La solution de la taxe proportionnelle

La taxe proportionnelle ne génère pas de distorsions. En effet, si l’on choisit une taxe proportionnelle sur tous les biens, on obtient :

En vertu de l’homogénéité des demandes compensées, le terme de gauche est égal à zéro et les distorsions sont nulles. Ce qui démontre qu’une taxe proportionnelle correspond à une taxation forfaitaire.

En substance, la règle de Ramsey énonce : les biens pour lesquels la demande compensée varie peu en fonction des prix de l’ensemble des biens doivent alors être relativement fortement taxés.

Cette règle facilement compréhensible au plan théorique pose des difficultés d’application du point de vue pratique car, elle suppose la connaissance de la dérivée de la demande compensée d’un bien par rapport au prix du marché.

3.3.  La règle de l’élasticité inverse

Pour lever la difficulté liée à l’application pratique de la règle de Ramsey, Bradford et Baumol (1970) ont proposé le modèle simplifié du résultat de Ramsey. Pour cela, reprenons notre fonction de Lagrange et dérivons-la  par  rapport à ti :

En utilisant l’identité de Roy on trouve :

La restriction apportée par Baumol et Bradford à la règle de Ramsey consiste à supposer que les élasticités-prix croisées sont nulles. Ainsi, l’équation devient :

En réarrangeant les termes, l’équation devient :

En divisant les deux membres par, on obtient :

Cette loi est un cas particulier de la loi de Ramsey présentant un grand intérêt pratique et qui énonce ceci : un système fiscal est optimal lorsque les taux de taxation des biens sont inversement proportionnels à l’élasticité-prix directe de leur demande.

1.Résultats et discussions

Nous appliquons  la règle de l’élasticité inverse de Ramsey à la taxation des biens et services des secteurs de consommation en RCA. Afin d’évaluer  l’optimalité du système de taxation des biens et services en RCA au regard de la théorie de la fiscalité optimale, nous avons utilisé les données de l’ICASEES portant sur les secteurs de consommation du pays. En raison des difficultés liées à l’actualisation de ces données, nous avons limité la période couverte par lesdites données à la période de 2005-2008. Ces données sont les seules disponibles sur la consommation des ménages sur la période susmentionnée.

Par ailleurs, l’agrégation de ces données ne permet pas d’obtenir des informations par sous groupes de produits ou de services. Afin de contourner cette difficulté, nous avons utilisé les coefficients budgétaires de détermination de l’indice de prix à la consommation pour chaque secteur de consommation  pour repartir les dépenses agrégées de consommation entre les biens et services. La formule des élasticités-prix directes est la suivante :

La méthodologie retenue consiste à sélectionner un bien dans chacun des secteurs de consommation avec son taux d’imposition et à calculer pour chacun le taux d’imposition optimale à comparer au taux de taxation en vigueur en RCA. La sous optimalité apparait lorsque le taux de taxation en vigueur se situe en dessous ou au dessus du taux optimal.

Enfin, nous faisons l’hypothèse qu’en l’absence de la prise en compte  de la sensibilité  des ménages à la variation des taux d’imposition indirectes, la structure des taux d’imposition demeurerait toujours sous optimale quelle que soit la période considérée au regard des règles de la fiscalité optimale. Le tableau suivant présente les biens sélectionnés pour notre calcul :

Tableau 1 : Elasticités-prix directes et taux optimaux de taxation de Ramsey

Biens de consommation

 

Taux en vigueur                     Période

2005-2006

Période

2007-2008

Elasticités-prix

directes

Taux optimaux Ecarts Elasticités-prix

directes

Taux

optimaux

Ecarts
Alimentations et boissons alcoolisées

Vêtements

Ameublement

Electricité

Services liés au logement

25%

19%

19%

19%

19%

7,41

0,47

0,69

109,71

0,96

3,4%

40,4%

27,5%

0,17%

19,8%

Surtaxé

Sous taxé

Sous taxé

Surtaxé

Sous taxé

 

 

0,8

31,61

0,75

321,04

0,83

31,3%

0,3%

25,3%

0,03%

22,9%

Sous taxé

Surtaxé

Sous taxé

Surtaxé

Sous taxé

Source : calcul de l’auteur

 Le tableau 2 ci-dessous nous fournit les données récentes  de la consommation privée agrégée des ménages et l’indice de prix à la consommation de la RCA. Il s’agit ici de calculer le taux de pression fiscale indirecte observée puis le comparer à celui de la pression fiscale indirecte optimale en utilisant les données précitées. Le cadre méthodologique retenu est toujours celui de la fiscalité optimale de Ramsey où les taux de taxation des biens sont appliqués de manière inversement proportionnelle à l’élasticité-prix de la demande des biens.

Tableau 2 : Elasticités-prix directes et taux optimaux de taxation de Ramsey

  2015 2016 2017 2018
Dépenses de consommation privée globale (en  CFA au prix courant) 780 389 000 000

 

808 087 000 000

 

842 694 000 000

 

900 178 000 000

 

Indice de prix à la consommation[1] 102

 

 

103,8 103,3 104
Elasticité-prix directe

(En valeur absolue)

1,9 8,6 10,02
Recettes fiscales indirectes en FCFA 12 744 895 290

 

12 481 942 678

 

19 005 232 142

 

23 088 818 322

 

Produit Intérieur brut

Au prix courant en FCFA

889 126  000 000

 

968 932 000 000

 

1 045 338 000 000

 

1 130 033  000 000

 

Pression fiscale indirecte observée 1,43%

 

1,29% 1,82% 2,04%
Pression fiscale indirecte optimale[2] 1,47% 0,21% 0,20%
Observation  

 

Sous taxation Surtaxation Surtaxation

Source : calcul de l’auteur à partir des données de l’ICASEES et de la DGID

Le calcul des taux optimaux nous permet de constater que les taxes indirectes sont instables parce qu’elles varient en fonction de l’inverse de l’élasticité-prix de la demande. On constate que les secteurs Alimentations et boissons alcoolisées et vêtements sont tantôt sous taxés tantôt surtaxés. Les autres secteurs Ameublement, Electricité et Services liés au logement sont surtaxés ou sous taxées sur les périodes considérées.

Face à ce constat, l’on  s’interroge  si les taux optimaux obtenus en appliquant les taux fiscaux en vigueur en RCA à l’inverse des élasticités-prix des biens pourraient conduire à la maximisation des recettes de l’Etat dès lors que la connaissance des élasticités-prix des biens  qui est un préalable au calcul des taux optimaux n’est pas toujours prédéterminée et que l’instabilité des ces derniers liée à la variabilité de la demande ne garantit la prévisibilité des recettes fiscales.

De même, les taux optimaux faibles appliqués au prix des biens de loisir renforceraient l’effet de substitution du loisir au travail. C’est aussi le cas  des produits soumis aux droits d’accises tels que l’alcool et le tabac  dont l’application des taux de taxation optimaux faibles au prix vente hors taxe ne  permettrait pas de garantir le fléchissement de la demande des consommateurs du point de vue de la prévention sanitaire. Tel est le cas du secteur Alimentations et boissons dont le taux optimal est de 3,1% alors que le taux en vigueur  de 25%  sur la période de 2005 à 2006  est celui qui serait  dissuasif à l’égard de la demande de l’alcool. De plus il conduit à la minimisation des recettes des impôts indirectes.

En outre, les résultats obtenus de ce  travail suscitent également des discussions sur les conclusions de la littérature empirique visitée ci-haut, notamment la catégorisation  des biens dont la consommation génère des externalités négatives (des biens inferieurs) et ceux dont la consommation ne génère pas d’externalités négatives (biens supérieurs).

En effet, la littérature empirique parcourue dans ce travail a permis de retenir deux leçons :

  • la première c’est le potentiel de ressources fiscales que l’Etat peut tirer des droits d’accises et les possibilités de les maximiser en appliquant la taxe ad valorem ;
  • la deuxième , les biens inférieurs soumis aux droits d’accises sont ceux dont la consommation entraîne des externalités négatives et qu’il faut fortement taxer afin de réduire le prix relatif des biens de qualité supérieure et inciter les consommateur à  les substituer aux biens de qualité inférieure.

Il faut cependant relever que toutes les élasticités-prix directes calculées sont supérieures à l’unité, ce qui démontre que la demande des biens est très élastique. Loin de calculer l’élasticité croisée des biens inférieurs soumis aux droits d’accises, on peut signaler le caractère discutable  de la substitution des biens supérieurs (biens n’émettant pas des externalités négatives) aux biens inférieurs (biens à externalités négatives soumis aux droits d’accises). Ainsi par exemple, on ne peut pas obtenir une substitution des vêtements soumis à la TVA de 19 %  aux alimentations et boissons alcoolisées soumis aux droits d’accises ad valorem  de 25 % du fait de la hausse de la taxe en raison d’une absence de lien de substituabilité directe en ces deux biens .  On conclut qu’une application de droit d’accises ad valorem permettrait à la fois de mobiliser les recettes fiscales et de réduire les effets externes négatifs en réduisant le prix relatif des biens supérieurs mais non pas dans une certaine mesure de créer un effet de substitution entre ces derniers et les biens inférieurs dès lors que la substituabilité étroite entre ces deux catégories de biens n’est pas  bien observée.

Conclusion

En somme, sur les  périodes 2005-2006 et 2007-2008, les secteurs de consommation des ménages sont soumis à une taxation sous optimale.il en est de même pour les dépenses agrégées de consommation des ménages sur la période de 2015 à 2018. Plus généralement, les taux en vigueur des taxes sur la consommation intérieure qui ne sont que de deux types (TVA au taux de 19% et Droits d’accises au taux de 25%) demeurent soit au dessus soit en dessous  des taux optimaux de taxation de ces biens et services. Il apparaît qu’en dépit des mesures prises dans le cadre des réformes fiscales y compris des programmes d’assainissement du secteur des finances publiques centrafricaines, l’optimalité du système de taxation des biens et services demeure encore une situation théorique difficilement atteinte par le système fiscal centrafricain.

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  • Stiglitz, J. E. (1976), « Simple Formulae for Optimal Income Taxation and the Measurement of Inequality », Technical Report No. 215, The Economics Series. Stanford, Calif.: Institute for Mathematical Studies in the Social Sciences.
  • Saez, E. (2001), « Using Elasticities to Derive Optimal Income Tax Rates », Review of Economic Studies 68, pp 205–229.
  • STIGLITZ J. [1986], «Pareto Efficient and optimal Taxation and the New Welfare Economics » in: A. Auerbach and Feldstein (eds), Handbouk of Public Economics II, North-Holland, Amsterdam.
  • Tarkiainen, R. et M. Tuomala (1999), « Optimal Nonlinear Income Taxation with a Two-Dimensional Population; A Computational Approach », Computational 13:1–16.
  • Tuomala, M. (1990), « Optimal Income Tax and Redistribution », Oxford: Clarendon Press.

ANNEXE

Annexe 1 : Extrait du résumé des indicateurs et agrégats économiques de la RCA

  2005 2006 2007 2008
Rémunération des salariés (en millions FCFA) 155 492 156 665 154 371 163 191
Revenu Disponible Brut des ménages (en millions de FCFA) 637 105 653 940 694 998 764 593
Dépenses de CF des ménages(en millions de FCFA) 603 795 668 454 715 228 803 689
Epargne brute des ménages (en millions de FCFA) 33 310 -14 514 -20 230 -39 096

Source : Institut Centrafricain des Statistiques des Etudes Economiques et Sociales

 

Annexe 2 : Extrait des statistiques des dépenses de consommation des ménages et indice de prix à la consommation en RCA de 2005 à 2008

Groupes et sous groupes de produits Coef. 2005 2006 2007 2008
Dépenses Prix Dépenses Prix Dépenses Prix Dépenses Prix
1.       Alimentation

1.1.   Aliments et boissons préparées

2.       Habillement, Textiles

2.1.   Vêtements

3.       Produits manufactures

3.1.   Ameublement

4.       Combustibles Energie

4.1.   Electricité

5.       Services

5.1.   Services lies au logement

705

75

 

85

74

76

3

73

9

61

6

 

 

508.263

54.070

 

61.280

53.350

54.792

2.163

52.629

6.489

43.977

4.326

 

 

208,23

304,83

 

287,34

277,94

324,12

211,99

175,69

171,54

182,78

316,41

 

 

547.312

58.225

 

65.988

54.448

59.001

2.329

56.672

6.987

47.356

4.658

 

 

 

223,03

307,99

 

307,34

290,05

336,93

235,60

191,19

171,66

191,12

341,49

 

 

 

57.817

61.151

 

69.304

60.335

61.996

2.446

59.520

7.338

49.736

4.892

 

 

226,46

307,28

 

300,54

294,49

337,26

256,86

191,21

171,54

197,38

395,84

 

 

 

639.364

68.017

 

77.086

67.110

68.924

2.721

66.204

8.162

55.321

5.441

 

 

253,18

350,55

 

305,42

295,53

353,11

295,34

203,31

171,6

205,71

449,57

 

 

Source : Institut Centrafricain des Statistiques des Etudes Economiques et Sociales

Annexe 3 :     Extrait des taux de taxation des biens et services en vigueur en RCA

Secteurs de consommation Alimentation

 

Habillement Textiles

 

Produits manufacturés Energie combustibles Services
Types de biens Aliments et boissons préparées

 

Vêtements

 

Ameublement Electricité Services liés

Au logement

Taux de taxation 25% 19% 19% 19% 19%

Source : Institut Centrafricain des Statistiques des Etudes Economiques et Sociales

[1] Données de la Commission CEMAC

[2] Elle est obtenue en divisant le taux de pression fiscale indirecte effective par l’inverse de l’élasticité-prix directe des dépenses de consommation privée agrégée des ménages

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