CENTRAFRIQUE : LE MINISTERE DE L’AGRICULTURE ET DU DEVELOPPEMENT RURAL DOIT FAVORISER L’ACCES AUX MARCHES ET EMPLOYER LES JEUNES

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Bangui, le 29 septembre 18

L’obstacle d’importance pour de nombreux agriculteurs centrafricains est l’enclavement, qui ne permet pas l’écoulement des récoltes, dont près d’un tiers est perdu faute des moyens de stockage appropriés. Pourquoi alors produire plus ?

Plus de 70% des ruraux habitent et cultivent à plus de deux (2) kilomètres d’une route où les véhicules ne peuvent pas circuler en toutes saisons. Près de la moitié des pistes rurales sont dégradées, ce qui augmente les durées et les coûts de transport, quand elles ne sont pas inutilisables.

Dans certaines communes, des villages entières qui auparavant alimentaient d’autres ou exportaient, sont aujourd’hui totalement enclavées. Elles ne peuvent plus évacuer leurs produits si ce n’est en moto, à vélo ou à dos de femmes…

Là aussi, la réfection de ces pistes et la construction de nouvelles routes et infrastructures exigent des financements colossaux et la participation de tous : bailleurs de fonds, Etat, privés, populations locales, etc. C’est la condition indispensable pour que les agriculteurs puissent approvisionner les marchés tant locaux que nationaux ou régionaux et ainsi alimenter les villes.

Face à l’explosion démographique d’ici 2030, la République centrafricaine (RCA) dispose des atouts physiques importants dont la mise en valeur demande des lourds investissements. L’accroissement de la population, qui rend plus urgent ces investissements, est aussi un atout. Car il se traduit par l’arrivée sur le marché d’une main-d’œuvre abondante et jeune.

En dépit d’un fort exode rural à Bangui la capitale et dans la préfecture de l’Ombella-M’Poko à proximité surtout à Bimbo et Bégoua, la population des campagnes continuera à s’accroître par an. De nombreux centrafricains vivent de la terre en zone rurale et à proximité des villes. Les zones urbaines, très peu industrialisées, n’offrent pas d’emplois formels pour tous ces jeunes qui arrivent sur le marché de travail.

Plus de 45% des jeunes centrafricains de 15 à 35 ans n’ont pas de travail formel ou informel et pire ne vont pas à l’école. Une situation désemparée qui pousse certains d’entre eux à s’exiler à tout prix ou, dans les zones de conflits, à s’enrôler comme enfants soldats, triste moyen de gagner leur vie.

Dans les conditions actuelles, l’agriculture et les activités rurales resteront, pour les décennies à venir, les principales pourvoyeuses d’emplois et de revenus pour ces cohortes de jeunes et non la recherche actuelle par le gouvernement des investissements à moyen et long termes alors que ces derniers meurent de faim dans les quartiers, les villages et les grands taudis.

Revaloriser le métier de l’agriculteur

Malheureusement, le monde rural n’est pas assez soutenu. En RCA, il n’y a pas de politique agricole adaptée à la réalité. Elle existe sur le papier, mais sur le terrain on ne sent pas l’appui des pouvoirs publics, tant au niveau des petits producteurs que des groupements.

Pour les jeunes, être agriculteur, actuellement n’est guère attractif. Ce métier est déconsidéré, voire méprisé. Le peu d’intérêt surtout pour les cultures vivrières, pourtant vital, a remplacé ce sentiment d’abandon. L’absence de formations adaptées aux besoins des jeunes ruraux qui veulent se moderniser en témoigne. L’école est le premier pas.

Revaloriser le métier d’agriculteur par une loi, rendre les zones rurales attractives, prendre en compte les besoins et les souhaits de cette catégorie de la population pourtant majoritaire, sont autant de défis à relever pour que les générations montantes restent dans les campagnes.

Certes, une partie d’entre eux continuera à venir grossir les villes, mais l’arrivée des jeunes agriculteurs bien formés et dynamiques, prêts à innover, ouvre la voie à la hausse de la productivité tant attendue. A ces conditions, ces nouvelles générations si nombreuses seront plus une richesse qu’un poids qu’on utilise uniquement pendant les campagnes électorales.

En règle générale, notre pays est assailli des problèmes de tout genre. Les pouvoirs publics sont conscients que l’agriculture est important, mais ne la considèrent pas comme prioritaire, comparée par exemple au paiement des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, des bourses aux étudiantes et étudiants ou les pensions des retraités, qui peuvent descendre dans la rue ou à la bourse de travail pour revendiquer, réclamer des droits, et donc elle est laissée pour compte.

La plupart des électeurs, qui ont voté le Président Faustin Archange TOUADERA au second tour, sont des ruraux, mais il faudrait aussi que ceux-ci s’organisent pour convaincre les autorités du bien-fondé de l’agriculture.

Aujourd’hui, tout le monde parle de réduction de la pauvreté. Où peut-on commencer à réduire la pauvreté si ce n’est dans le monde agricole ? Si tous les producteurs sont bien organisés, ils peuvent produire mieux et surtout participer au commerce international, ce qui fait entrer les devises dans le pays et tout le monde est gagnant.

L’agriculture peut aussi contribuer significativement à la consolidation de la paix en Centrafrique dans le programme DDR. Car, ce secteur offre d’énormes potentialités pour la réinsertion durable des ex-combattants.

La RCA est un pays à vocation agricole. Le gouvernement doit mettre davantage l’accent sur le travail du sol et de l’élevage afin de produire suffisamment pour le peuple qui a tant besoin de la nourriture. Nous devrions sortir des sentiers battus car notre agriculture doit être repensée à travers le changement de nos méthodes et de la mise en œuvre des moyens modernes (l’exemple de la motorisation agricole, etc.).

Il n’y a pas de choix. Nourrir et faire vivre plus de personnes implique de faire de l’agriculture la priorité absolue.

Christian KAMAYEN

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