CENTRAFRIQUE: DOIT-ON S’ATTENDRE À L’ASSASSINAT DE LA DÉMOCRATIE ?

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Bangui, le 17 sept. 20

La République centrafricaine qui se prépare à inscrire une nouvelle page de son histoire par l’organisation des élections démocratiques qui doivent être crédibles,  libres et transparentes, est en phase d’assassiner ce processus tant certains partis d’opposition se livrent à des guerres stériles et à la prostitution politique dans le but de revenir à la case de départ du monopartisme.

De nos jours, remarque Guy Hermet, le mot « démocratisation » est devenu un label presque banal que nous donnons à tout ce qui est bon et souhaitable pour le public. Il est pourtant difficile de s’exprimer autrement lorsqu’il s’agit de considérer le passage d’une forme de gouvernement non démocratique à une autre, cette fois-ci démocratique dans un pays donné. Dans ce cas précis, le terme de démocratisation se comprend par exception dans sa signification exacte qui est politique. Elle se rapporte au processus d’établissement d’un régime pluraliste ainsi qu’à son résultat apprécié tant au niveau de son enracinement durable que de son authenticité en matière de respect de la volonté populaire et des droits de l’homme. Ce « passage à la démocratie », stigmatisé sous le vocable de transition démocratique s’est effectué dans la plupart des Etats africains en général et en République centrafricaine (RCA) en particulier autour de l’année 1990 dans un contexte marqué par la fin de la bipolarisation du monde et surtout du triomphe de la démocratie libérale. D’aucuns pensaient alors que ce réveil démocratique ne serait pas seulement le contrecoup des mouvements sismiques qui avaient secoué les systèmes sociaux et politiques de l’URSS et des Etats de l’Europe orientale et centrale depuis 1989 et remodelé les données de la vie internationale. Il serait également dû à des causes internes spécifiquement à la RCA.

La cohésion sociale et l’égalité des chances revêtent aussi d’une importance particulière. En effet, il paraît central que toute personne puisse non seulement disposer des moyens nécessaires pour vivre dans la dignité, mais aussi qu’elle bénéficie d’une égalité des chances pour sa carrière professionnelle et donc pour son revenu. L’exclusion d’une partie considérable de la population  de fait ou de droit de toute chance de pouvoir accomplir la formation ou d’exercer la profession qui correspond à ses capacités, ainsi qu’une trop grande inégalité de la répartition des richesses représentent, par exemple, une vraie menace pour la paix sociale et donc pour le fonctionnement du système démocratique.

En République centrafricaine après cette longue période de guerre (ethnique) où les communautés étaient séparées, la garantie d’une certaine perméabilité et d’une certaine cohésion sociale ne peut être réduite à la question de savoir si oui ou non on adhère à un programme politique, mais doit être considérée dans le contexte du fonctionnement de notre démocratie et de notre Etat de droit. Or, certaines régions du pays sont occupées par les groupes armés privant ainsi ces pauvres populations d’une part et d’autre part, on assiste à quelques jours des élections au jeux de dupe de certains partis politiques qui militent dans la politique de division pour favoriser la transhumance fauchant ainsi toutes les valeurs démocratiques. La politique est une guerre des intellectuelles et par extension, une guerre des idées constructives, elle ne saurait être le lieu de la discrimination ou des « massacres » par des messages de haine et de diffamation, des divisions stériles surtout en cette période où le pays cherche à entrer dans le concert des grandes nations démocratiques.

C’est par méconnaissance de l’histoire que l’on considère la RCA comme un « nouveau-né » dans la démocratie car, avant même la perestroïka, le pays avait amorcé le processus de déconcentration du pouvoir et même tenté l’expérience démocratique afin de sortir de l’impasse dans laquelle l’avait conduit soit une militarisation de ses structures gouvernementales soit un monopartisme bureaucratique. En fait, l’histoire politique de la RCA est jalonnée par deux dates presque d’égale importance : 1960 donnant la naissance de l’indépendance avec le début d’exercice des compétences nationales et internationales d’un Etat devenu véritable sujet de droit et 1990, constituant l’éveil à la démocratie et le début d’un encadrement juridique du processus de dévolution du pouvoir dans cet Etat. Il faut aller aux élections politiques qui rendent mieux compte de la réalité démocratique car, elle est associée à la notion de citoyenneté et cela la différencie nettement des élections à caractère professionnel où l’électorat se trouve distribué en catégories définies suivant l’appartenance professionnelle ou même suivant la fonction dans le milieu du travail. L’élection politique est inséparable de la démocratie dont elle exprime les valeurs et contribue au passage d’un régime de type monolithique au pluralisme démocratique.

C’est en gardant ces acquis que le pays pourra protéger et sauver sa démocratie. Mais pour y parvenir, il faut une éducation à la basse et c’est le travail des partis politiques où les leaders ne doivent pas seulement se contenter de la course au palais de la  Renaissance où se tailler des places à l’Assemblée Nationale, mais doivent s’atteler à l’éducation de leur électorat. Comme bon nombre d’Etats africains, le Centrafrique a connu l’amorce d’un processus qui a permis à long terme de bouleverser radicalement son paysage politique et ses structures institutionnelles. L’évolution amorcée s’inscrit alors dans le passage d’un système de parti unique et de monisme idéologique dominé par le Rassemblement démocratique centrafricain (RDC, parti au pouvoir)  de l’époque au multipartisme depuis les années 90. La succession rapide des événements, sous la pression des masses populaires et des différentes forces vives, a constitué autant d’éléments d’une problématique socio-politique complexe qui a débouché sur le changement.

La jeune classe politique de cette nouvelle ère, ne doit pas se soustraire de cette politique qui donne la chance à tout le monde de s’exprimer car, la vraie guerre, c’est celle qui fait idées contre idées et non armes contre machettes.

@Jacko, 

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