Centrafrique : Discours du Président Faustin Archange TOUADERA à l’occasion de la célébration du 58ème anniversaire de l’Indépendance de la République Centrafricaine

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BANGUI, 13 AOUT 2018
– Centrafricaines, Centrafricains ;
– Mes Chers Compatriotes ;

Notre pays s’apprête à célébrer le 58ème anniversaire de son accession à l’Indépendance.

Le 13 août est plus que d’actualité aujourd’hui, car elle est l’aboutissement de la longue lutte de notre peuple pour la liberté, la dignité et l’autodétermination.

En votre nom, je voudrais dédier ce jour à tous les héros qui ont versé sueur et sang, parfois jusqu’au sacrifice suprême, pour que nous soyons libres.

Au cours de cette commémoration, souvenons-nous d’eux avec humilité et responsabilité.

Oui, avec humilité et responsabilité, car aujourd’hui encore, le sang de nos concitoyens inonde le sol de nos ancêtres, les cris perçants des victimes de la barbarie retentissent à travers nos forêts et collines, les larmes ne cessent de couler, non pas à cause des travaux forcés, mais à cause de la nouvelle forme de colonisation que tentent de nous imposer les terroristes et les mercenaires étrangers qui ont envahi nos villes et villages, sous de prétextes fallacieux.

Du fait de cette barbarie, certains concitoyens sont contraints de quitter leurs terroirs, alors qu’ils n’ont commis aucun crime digne d’un tel châtiment.

Je pense aux déplacés internes, aux exilés, aux réfugiés, aux blessés et mutilés de la grande crise qui perdure encore, malheureusement.

En ce jour de recueillement, Je vous invite, Mes Chers Compatriotes, à avoir une pensée pieuse pour ces milliers de victimes innocentes.

Je salue les Compatriotes de la diaspora et ceux travaillant dans des organismes internationaux ou nos représentations à l’étranger.

J’associe à cette fête l’ensemble de la communauté internationale qui, dès le début de la crise, s’est mobilisée aux côtés du peuple centrafricain et de son gouvernement.

Je rends un hommage mérité aux soldats de la paix et aux humanitaires qui ont payé le lourd tribut dans leur mission de maintien de la paix et de secours à la population centrafricaine.

Mes Chers Compatriotes ;

Ce soir, je ne vais pas forcer les couleurs déjà sombres du tableau de nos 58 années d’indépendance.

Je dois réaffirmer que l’accession à l’indépendance le 13 août 1960, avait suscité beaucoup d’espoir, l’espoir d’une vie meilleure dans un pays libre, stable, uni et prospère.

Mais il faut le reconnaître, la souveraineté a été proclamée, mais les conditions essentielles de son exercice se sont très vite évaporées.

Le pays a aussitôt connu des vicissitudes qui l’ont rendu exsangue, alors qu’il devrait faire face à de défis colossaux pour se construire, défis de formation des cadres, des forces de défense et de sécurité, de construction des routes, des hôpitaux, des infrastructures administratives et j’en passe.

Vous conviendrez avec moi que toutes les crises dont les contrecoups se font sentir aujourd’hui puisent leurs racines dans notre absence de confiance réciproque, dans notre décadence morale, dans notre vision tronquée de L’État.

L’une des conséquences en est que depuis quelques années, le peuple centrafricain souffre. Le pays peine à sortir du gouffre dans lequel il est plongé et artificiellement maintenu par les ennemis de la paix et de la démocratie.

Au moment où nous commémorons cette indépendance, l’un des éléments essentiels de la souveraineté est gravement menacé. Le territoire est envahi par des mercenaires étrangers qui se disputent le contrôle de nos ressources naturelles.

Je réaffirme ma volonté à travailler pour reconquérir cet élément de souveraineté.
Centrafricaines, Centrafricains ;
Mes Chers Compatriotes ;

La situation du pays au moment où nous célébrons ce 58ème anniversaire de l’indépendance doit nous inciter à plus de réflexion et de responsabilité.

Certes, la construction de notre pays depuis l’indépendance a connu des succès significatifs dans certains domaines, mais aussi d’insuffisances et de dérives ayant entraîné le retard de développement économique et social.

Les crises, quasi congénitales, ont atteint leur paroxysme en 2012 et les effets pervers nous poursuivent jusqu’aujourd’hui.

Vous m’avez investi de tous vos espoirs, de toutes vos aspirations, notamment à la paix, à la sécurité, au bien-être et à la prospérité.

Depuis le retour à la légalité constitutionnelle, le 30 mars 2016, nous nous sommes attelés, sans exclusive, à la reconstruction de notre pays.

Certes, la crise persiste dans certaines régions du pays. Mais je dois souligner que nous avançons dans certains domaines.

Sur le plan économique et financier, nous avons élaboré et fait adopter par la communauté internationale un plan pour le relèvement économique de notre pays.

Les revues à mi-parcours montrent que nous avançons, en dépit de quelques insuffisances qu’il faudra rapidement corriger afin de nous permettre de mobiliser et consommer la totalité des ressources annoncées à Bruxelles.

J’ai noté avec beaucoup de satisfaction les conclusions de la 4ème revue qui s’est soldée par la décision favorable du Conseil d’Administration du FMI, intervenue le 2 juillet dernier.

Cette décision du FMI prouve que nous avançons dans la bonne direction.

J’ai instruit le Gouvernement de mieux préparer les autres revues afin de permettre au pays d’avoir des moyens de sa reconstruction.

Sur le plan politique, l’Initiative de l’Union Africaine pour la paix, que je salue au passage, doit aboutir à des échanges entre le gouvernement et les groupes armés en vue de la restauration de l’autorité de L’État sur l’ensemble du territoire et du retour définitif à la paix.

Je comprends les préoccupations de certains Compatriotes, excédés par les exactions des groupes armés, qui considèrent comme une faiblesse la main tendue aux groupes armés et demandent une réaction vigoureuse de L’État pour imposer la paix.

Mais je dois réaffirmer que malgré la gravité de la situation et la légitimité de vos attentes, ma volonté est de maintenir le dialogue avec les groupes armés. Nos contradictions doivent être réglées par le dialogue. La guerre n’a jamais imposé la paix.

J’exhorte les autres parties prenantes à l’Initiative Africaine pour la paix à y adhérer de bonne foi et de respecter les termes de ce qui aura été retenu.

Je m’engage à appliquer tout arrangement qui sortira de cette dynamique, pourvu qu’il soit conforme à la Constitution et aux lois de la République.

Dans le domaine de la sécurité, et comme j’ai eu à le préciser dans certaines occasions, la sécurité nationale doit être recherchée en priorité par des moyens de règlement pacifique des conflits.

Il me paraît absurde de conduire une guerre contre d’autres Centrafricains, même si je n’ignore pas la forte présence des mercenaires étrangers dans les groupes armés.

C’est pourquoi, je crois toujours que le processus DDRR pourra nous aider à retrouver la sécurité. Ce n’est certes pas une panacée, mais il nous permettra d’éviter une guerre fratricide qui va nous plonger définitivement dans le gouffre.

Je félicite donc les sept groupes armés qui ont accepté de se faire désarmer sans condition, en attendant le grand DDRR. Il s’agit d’une attitude responsable, une volonté de rétablir la paix et la sécurité.

J’exhorte les autres groupes armés à les suivre dans cette voie.

Je condamne les actes de violence qui sont toujours observées dans certaines parties du territoire avec leurs corolaires les déplacements des populations et les morts.

Je rappelle que les auteurs de ces crimes répondront de leurs actes, tôt ou tard devant les juridictions nationales et internationales.

Lentement, mais sûrement et méthodiquement, nous poursuivons la professionnalisation et l’entraînement de notre outil de défense nationale.

Je me réjouis des résultats observés dans la remise à niveau des FACA. D’ici la fin du mois d’août, nous aurons trois bataillons formés par l’EUTM et plus de 1000 éléments formés par Instructeurs les Russes.

Je tiens à dire notre reconnaissance à l’EUTM et à la Fédération de Russie pour leurs contributions au renforcement de la capacité de notre Armée.

Après les projections de Paoua, Sibut, Obo et Bangassou, d’autres éléments seront envoyés à Bouar, Bambari et dans d’autres villes du pays conjointement avec leurs frères d’arme de la MINUSCA.

Je demande aux éléments des FACA déjà déployés de ne se limiter qu’à la mission de protection des populations et de ne pas devenir les bourreaux de ces dernières.

Je sais que les conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions sont difficiles. Mais l’Etat mettra tout en œuvre pour les mettre dans les conditions de réussir leurs missions régaliennes de protection des personnes et des biens et de l’intégrité du territoire.

J’exhorte les populations des localités qui accueillent déjà les FACA de les soutenir car ils en ont besoin pour réussir leurs missions régaliennes.

Petit à petit, l’Armée sera redéployée sur l’ensemble du territoire. Le Gouvernement continuera à mobiliser les ressources pour l’équipement, la formation et l’entraînement de nos soldats.

Je profite de cette occasion solennelle pour demander au Conseil de Sécurité de l’ONU de donner la possibilité à l’Etat d’équiper l’Armée et de la déployer conjointement avec la MINUSCA.

Dans ce chapitre, je remercie les États-Unis d’Amérique et la Chine pour les dons en équipements qui permettront de rendre opérationnels les bataillons déjà formés.

Parallèlement, nous avons, avec le soutien de la MINUSCA, recruté et formé 500 Gendarmes et Policiers afin de protéger l’ordre public et renforcer la chaîne pénale.

Avec le soutien de la BAD, nous avons entrepris le recrutement, dans toutes les Préfectures, de 500 jeunes désœuvrés et déscolarisés, souvent en proie aux illusions, pour la première phase de formation dans divers métiers à la Jeunesse Pionnière Nationale.

Sur le plan de la Justice, je me réjouis de la tenue régulière des sessions criminelles qui montre que notre justice est en marche.

J’encourage les juges à faire preuve de professionnalisme, d’impartialité, donc à dire le droit en toute indépendance.

L’œuvre de la justice sera la paix.

Pour cela, j’ai instruit le Gouvernement d’assurer le suivi de la dernière décision de la Cour Pénale Internationale en ce qui concerne le fonds d’indemnisation des victimes du groupe de Jean Pierre BEMBA.

La mission qu’accomplit la justice doit être suivie parallèlement de la justice transitionnelle.

Je demande donc au Gouvernement d’accélérer la procédure de mise en place du mécanisme de la Commission Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation.

Au plan social, les efforts déployés depuis le 30 mars 2016, en dépit des difficultés de l’Etat, ont abouti à des mesures essentielles à l’endroit des fonctionnaires et agents de l’Etat ainsi que des jeunes en attente d’intégration.

A ce titre, nous avons, au nom du principe de continuité de L’État, décidé du paiement des arriérés de salaires de 2013 et 2003 ainsi que les dettes des opérateurs économiques.

La réforme du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires, institué depuis le 28 janvier 1958, que nous avons effectuée, nous permettra de passer du système de versement trimestriel de la pension et de la rente viagère d’invalidité, au versement mensuel, avec la nouveauté que l’entrée en jouissance sera obligatoirement effectuée à la fin du mois de cessation de l’activité.

Considérant la nécessité de redynamiser l’administration centrafricaine, socle de l’Etat de droit, nous avons, grâce à L’École Nationale d’Administration de Paris, formé quatre-vingt (80) hauts fonctionnaires centrafricains sur les 200 retenus.

La Charte de l’Administration Centrafricaine, un véritable code d’éthique et de déontologie du fonctionnaire, permettra, j’en suis convaincu, de corriger les dérives malheureusement trop fréquentes et les contre valeurs qui minent notre administration publique.

Je ne doute pas que ces formations, qui viennent s’ajouter à la Retraite Inter-institutionnelle sur la Stabilité Institutionnelle et le Redressement National de la RCA, organisée à l’intention des responsables des institutions de la République, avec le concours de l’Organisation Internationale de la Francophonie, permettront d’accélérer le processus de modernisation de L’État.

Pour clore ce chapitre, je voudrais mentionner l’intégration en cours de plus de 1500 jeunes diplômés, déterminés à apporter leurs contributions à l’œuvre de reconstruction nationale.

La consolidation de L’État de droit se poursuivra, au fil des réformes institutionnelles qui seront d’ailleurs confortées dans tous les domaines.

En matière de santé publique, nous avons engagé un vaste programme national de réhabilitation et de modernisation des infrastructures hospitalières avec le concours de nos partenaires.

Je tiens ici à saluer la coopération avec la Chine dans ce domaine qui a abouti à la signature d’une convention de don de 2 milliards de FCFA permettant de doter l’Hôpital de l’Amitié de matériels médicaux au nombre desquels un appareil d’échographie numérisé, une radiographie numérique, un réanimateur d’oxygène pour le bloc opératoire et un aspirateur de sang pour les interventions chirurgicales.

De même, le projet d’appui au centre hospitalier universitaire pédiatrique de Bangui, financé par l’Union Européenne à travers le Fonds BEKOU à hauteur de 4 millions d’Euros, sur une période de deux ans, d’améliorer la santé maternelle et infantile.

J’ai instruit le Gouvernement de veiller particulièrement aux travaux de construction de notre premier centre de d’hémodialyse et d’imagerie médicale pour soulager les peines de nos compatriotes et limiter les coûts excessifs d’évacuation à l’étranger.

La recherche de soins de qualité à la population demeure l’une de mes priorités et continuera à mobiliser toute mon énergie.

Sur le plan des infrastructures, la construction d’un champ solaire à DANZI, à 20Km de Bangui, sur l’axe BOALI, permettra, d’ici deux ans, de répondre aux besoins pressants de la population et des industriels en terme d’électricité.

L’obscurité dans laquelle se trouve la ville de Bangui pour ne pas citer celles de provinces doit nous interpeller.

Notre pays dispose de potentiels énergétiques inestimables pour l’exploitation desquelles le Gouvernement doit continuer à rechercher des financements en vue d’augmenter la capacité de l’ENERCA et accélérer l’électrification rurale.

En ce qui concerne le volet hydraulique, les travaux réalisés sur les canaux de distribution de la SODECA ainsi que la dotation de celle-ci en nouveaux équipements permettront de fourni l’eau potable à la population et lutter contre les maladies hydriques.

S’agissant des infrastructures routières, je note avec satisfaction les travaux qui se réalisent actuellement dans la ville de Bangui. Il y a lieu de mentionner que sous l’impulsion du Gouvernement, les équipements de l’Office National du Matériel, (ONM) qui intervient en régie dans les travaux d’aménagements routiers ont été renouvelés, ce qui permettra d’aller un peu plus en avant dans les efforts de réhabilitation de nos axes routiers.

Pour ne citer que ces quelques domaines, nous pouvons affirmer que le pays est en marche, en dépit du contexte sécuritaire et économique difficile. La reconstruction est au rendez-vous. Je demande au Gouvernement de maintenir le cap.

Mes Chers Compatriotes ;

Lors de la célébration du 57ème anniversaire de notre indépendance, je vous invitais à réfléchir sur l’importance du travail sans lequel nous ne pouvons être réellement indépendants.

Nous étions arrivés à la conclusion que l’indépendance n’est pas une fin en soi. Elle s’entretient, se nourrit et se conforte par le travail.

Le travail reste et demeure le seul moyen de promouvoir les conditions d’une vie épanouie, pour nous-mêmes et pour la génération future.

Nous devons continuer à travailler pour donner le sens à notre indépendance et montrer que nous sommes conscients de notre situation, que nous sommes capables de nous prendre en charge.

Pour ce faire, il faut nous unir, éviter les comportements qui nous séparent au lieu de nous unir.

Mes Chers compatriotes ;

Nous devons comme par le passé être dignes dans nos attitudes. La dignité est une des valeurs culturelles du Centrafricain, c’est un des comportements irréprochables.

Les actes de barbarie et de violences que l’on observe aujourd’hui sont étrangers à notre culture et à nos valeurs traditionnelles. Jamais le Centrafricain ne s’est comporté de la sorte.

Ne nous écartons pas des valeurs que nous a léguées le feu Président fondateur Barthélemy BOGANDA et qui sont à la base de notre communauté de destin.

Certes, il y a eu des combinaisons de facteurs qui ont retardé le développement socio-économique du pays. Mais si nous étions unis, nous aurions pu les surmonter et construire un pays démocratique et prospère.

Je me tourne vers la jeunesse, avenir de notre pays pour lui demander de tenir ferme la flamme sacrée de nos valeurs et traditions et de les porter haut et loin, de ne pas se laisser assaillir par les vicissitudes du présent.

Notre pays doit se réapproprier son histoire, ses valeurs, ses traditions, ses ressources économiques, ses références culturelles, pour sortir des entraves dogmatiques qui conduisent à des impasses.

Je vous exhorte à bannir la culture de violence et de destruction que l’on tente de vous inculquer.

Mes Chers Compatriotes,

Croyez-moi, je veux restaurer l’État. Les désordres présents ne me détourneront pas de ma vision de construire un État de droit, un État fondé sur le respect des règles prescrites et des institutions de la République, un État où les règles du jeu démocratique sont respectées.

C’est dans un Etat de droit, propice à un climat de stabilité et de sérénité des cœurs, du vivre ensemble, de la cohésion sociale que nous pouvons construire un développement harmonieux de notre pays.

Tirons les leçons de nos expériences amères de démagogie, de conquêtes antidémocratique du pouvoir de L’État, de trahison et d’intelligence avec l’ennemi, pour nous rassembler autour des idéaux d’unité, de dignité et de travail, conditions sine qua non du développement de notre pays.

En ce jour solennel, je vous appelle, Mes Chers Compatriotes, à unir nos forces et énergies pour construire davantage notre pays.

Ainsi, nous donnerons un sens à l’indépendance acquise au prix du sang de nos ancêtres.
Je vous demande, de continuer à me faire confiance et à faire confiance au Gouvernement.
Je fais confiance à votre patriotisme, à votre capacité de résilience et à vos talents pour surmonter les écueils et rebâtir notre Nation.
Bonne fête de l’indépendance à toutes et à tous.

Que Dieu bénisse la République Centrafricaine.

Je vous remercie.

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