Centrafrique : Perte de vitesse de la Cour Constitutionnelle qui se traduit par une grave dérive

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Bangui, le 21 sept. 18

Tous les Constitutionnalistes et autres professionnels de droits n’ont hésité de crier à la grave dérive de la Cour Constitutionnelle suite son avis sur la requête du Président de l’Assemblée Nationale où cette importante juridiction s’est arrogée les prérogatives du Conseil d’Etat, fixées par la Constitution  du 30 Mars 2016, en violation de la Loi  n°17.004 du 15 Février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle et de la Loi du 23 Décembre 1995 sur le Conseil d’Etat !

En effet, la Cour Constitutionnelle Centrafricaine suite à la sa saisine par requête et correspondance datées des 10 et 13 septembre 2018, adressées par le Président de l’Assemblée Nationale, elle vient de consacrer l’insécurité historique en Droit Constitutionnel et érige une dérive et le recule  graves en violation des dispositions des articles 115, 116 et 117 de la Constitution du 30 Mars 2016.

Il y’a lieu de préciser que le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative en Centrafrique. Juge de cassation des décisions de la juridiction administrative, il est également compétent pour connaître en premier et dernier ressort de certains litiges comme les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets.

Ceci étant, le Conseil d’État joue aussi le rôle de conseiller du Gouvernement. En application de l’article 117 de la Constitution, il est saisi des projets de loi avant leur passage en Conseil des ministres. Il connaît également des projets d’ordonnance comme le prévoit le même article, ainsi que des projets de décret les plus importants qualifiés de « décrets en Conseil d’État ». Le Gouvernement peut saisir le Conseil d’État pour qu’il rende un avis sur tout autre texte réglementaire ou sur une question juridique particulière.

C’est pour cela que le Conseil d’État peut être saisi pour avis par le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat de toute proposition de loi déposée sur le bureau de l’une ou l’autre des deux assemblées parlementaires, avant l’examen du texte en commission. Il joue en outre un rôle important de filtre dans la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité :

Le Conseil d’État, héritier d’une tradition ancienne, le conseiller du Gouvernement, le conseiller du Parlement, la juridiction suprême de l’ordre administratif et un rôle accru dans la protection des droits et libertés…

Présidé en droit pour décider par l’organe Commission Consultative et de carrière des magistrats de l’ordre administratif, par le Président de la République mais dirigé, en pratique, par un Magistrat le plus haut gradé, le Conseil d’État Centrafricain, héritier d’une tradition ancienne depuis sa création en 1996, présente un double visage que pour la première fois dans l’histoire vient d’être négliger pour plaire à un Tiran en la personne de ABDOU KARIM MECKASSOUA.

Le Conseil d’État Centrafricain, est à la fois une instance administrative qui conseille le Gouvernement et la juridiction suprême de l’ordre administratif. Le Conseil d’État est composé de plusieurs membres (conseillers d’État, maîtres des requêtes, auditeurs) dont tous en activité en son sein, les autres membres étant, pour l’essentiel, en position dans d’autres administrations à des niveaux de responsabilité élevés.

  • Le Conseil d’État, héritier d’une tradition ancienne depuis 1996 en Centrafrique :

L’origine du Conseil d’État est ancienne. On peut voir dans cette institution l’une des héritières de la Curia regis qui, constituée de grands personnages proches du Roi, assistait celui-ci dans le gouvernement du royaume au Moyen-Âge. C’est cependant avec la Révolution française que le Conseil d’État revêt son aspect actuel. En 1790, l’Assemblée constituante décide que l’administration ne doit plus être soumise à l’autorité judiciaire.

Les affaires impliquant la puissance publique doivent, dès lors, être examinées par une juridiction particulière. C’est le Consulat qui, avec l’article 52 de la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), institue le Conseil d’État proprement dit. Sa mission est double : instance administrative, le Conseil participe à la rédaction des textes juridiques les plus importants ; en tant que juridiction, il connaît des litiges auxquels l’administration est partie.

C’est enfin, avec l’accession à la démocratie de la RCA,  qui donne au Conseil d’État l’organisation qui est encore la sienne aujourd’hui. C’est également à partir de cette époque que le Conseil d’État fixe les grands principes du droit administratif centrafricain contribuant à la construction de l’État de droit en Centrafrique.

Depuis lors, le Conseil d’État s’est affirmé comme le garant des libertés et du fonctionnement régulier de l’administration, conciliant les intérêts de l’État et ceux des justiciables. La Loi organique du 23 Décembre 1995 relative à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’État a parachevé l’affirmation de ce rôle en établissant une stricte séparation entre les formations consultatives et les formations juridictionnelles du Conseil.

D’une part, cette loi consacre le principe en vertu duquel « les membres du Conseil d’État ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d’État s’ils ont pris part à la délibération de cet avis ». Les justiciables peuvent s’assurer du respect de cette obligation en obtenant la communication de la liste des membres des formations consultatives ayant pris part à l’avis rendu sur l’acte qu’ils attaquent. D’autre part, les représentants des sections administratives ne peuvent plus siéger dans la formation ordinaire, les sous-sections réunies et la section du contentieux siégeant en formation de jugement.

  • Le conseiller du Gouvernement :

Le Conseil d’État joue le rôle de conseiller du Gouvernement en examinant les projets de loi – comme l’impose la Constitution , avant qu’ils ne soient soumis au Conseil des ministres. Il connaît également des projets de décret les plus importants, qualifiés de « décrets en Conseil d’État ». Son avis porte sur la régularité juridique des textes, leur forme et leur opportunité non politique mais administrative.

Le Conseil d’État peut également être consulté par le Gouvernement sur toute question d’ordre juridique ou administratif. Lorsque le Conseil d’État est saisi pour avis, la question est renvoyée à l’une des cinq sections administratives : intérieur, finances, sociale, travaux publics et administration.

Le Conseil d’État adresse, enfin, chaque année au Président de la République un rapport public qui dresse le bilan de l’activité de la juridiction administrative et qui peut contenir des propositions de réformes destinées à améliorer l’organisation ou le fonctionnement de l’administration ou les lois et règlements en vigueur. La section du rapport et des études prépare ce rapport annuel ainsi que d’autres études. Elle intervient également dans l’exécution par l’administration des décisions des juridictions administratives.

  • Le conseiller du Parlement :

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil d’État peut être saisi pour avis par le Président de l’Assemblée nationale ou du Sénat de toute proposition de loi déposée sur le bureau de l’une des deux assemblées avant son examen en commission. L’auteur de la proposition de loi peut produire des observations et éventuellement prendre part, avec voix consultative, à la séance au cours de laquelle la section compétente délibère sur l’avis que le Conseil rendra. Il est informé de l’avis rendu par le Conseil d’État.

Au cours de la XIVe législature, le Conseil d’État a rendu huit avis sur des propositions de loi transmises par le Président de l’Assemblée nationale.

Les propositions de loi dont peut être saisi pour avis le Conseil d’État sont examinées par la section compétente ou une commission spéciale formée de représentants des différentes sections intéressées par l’objet de la proposition de la loi. Elles sont ensuite soumises à l’assemblée générale du Conseil d’État.

  • La juridiction suprême de l’ordre administratif :

Le Conseil d’État est l’échelon suprême de la juridiction administrative, qui juge les litiges entre les particuliers et l’administration au sens large (État, collectivités territoriales, établissements publics, personnes privées chargées d’une mission de service public comme les ordres professionnels ou les fédérations sportives).

À ce titre, il est juge de cassation des arrêts des cours administratives d’appel et des juridictions administratives spécialisées comme la Commission de recours des réfugiés. En outre, il juge également en premier et dernier ressort les recours dirigés notamment contre les décrets, les actes des organismes collégiaux à compétence nationale (par exemple, le jury d’un concours national ou un organisme comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel) ainsi que le contentieux des élections régionales et de l’élection des représentants français au Parlement européen. Il est compétent en appel pour les contentieux des élections municipales et cantonales.

Le Conseil d’État, comme la Cour de cassation dans l’ordre judiciaire, assure l’unité de la jurisprudence au plan national. Les décisions rendues par le Conseil d’État statuant au contentieux sont souveraines et ne sont susceptibles d’aucun recours, hormis le recours en révision ou en rectification d’erreur matérielle.

C’est la section du contentieux qui assume cette fonction juridictionnelle. Elle est composée de dix sous-sections spécialisées dans différents types de contentieux (droit des étrangers, marchés publics, fiscalité…).

Le Conseil d’État est également chargé, depuis 1990, d’assurer la gestion des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, cette responsabilité incombant auparavant au ministère de l’intérieur. Il est responsable de la gestion du corps des magistrats administratifs, assisté pour cela par un organe consultatif indépendant créé en 1986, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

  • Un rôle accru dans la protection des droits et libertés garantis par la Constitution :

En application de la Constitution, tout justiciable peut contester, au cours d’une instance devant une juridiction de l’ordre administratif, l’application d’une disposition législative dont il estime qu’elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. C’est le cas de l’espèce de l’Arrête du Président de l’Assemblée Nationale  déféré  devant le Tribunal Administratif, dont le recours est pendant.

Dans le cadre de cette procédure – qui a entraîné un sursis sur le rendu de tout ou partie des points de la décision au fond , il appartient au Conseil d’État de statuer sur la nécessité de transmettre à la Cour Constitutionnelle la question de constitutionnalité soulevée devant la juridiction placée sous son autorité, y compris pour la première fois en appel ou en cassation, en tant que juge de premier et dernier ressort. Pour ce faire, le Conseil d’État dispose d’un délai de trois mois.

Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité lui est soumise, le Conseil d’État doit s’assurer, avant de la transmettre à la Cour Constitutionnelle, que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; qu’elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision de la  Cour Constitutionnelle, sauf changement des circonstances, et qu’elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Ce vient de poser comme acte dans la constitutionnalité en Centrafrique est une dérive à la loi constitutionnelle.

Nous y reviendrons dans nos prochaines parutions.

Bienvenu ANDALLA,

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