CENTRAFRIQUE : LES CARENCES JURIDIQUES DU SYSTÈME PARLEMENTAIRE ET LEURS EFFETS.

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Bangui, le 23 Décembre 17

En attendant l’effectivité opérationnelle du sénat, l’assemblée nationale est la chambre monocamerale qui a reçu mandat de représenter le peuple centrafricain et d’exercer le pouvoir législatif. Instituée par la constitution du 30 mars 2016, l’organisation et le fonctionnement de l’assemblée nationale sont regis par la loi organique n° 17.011 du 14 mars 2017 portant règlement intérieur et plus précisément dans le titre 2. Après trois semestres de législature, des pratiques et comportements déontologiques des parlementaires laissent entrevoir certaines carences, insuffisances juridiques ou des événements politiques non prévus par le règlement intérieur d’où la nécessité et l’urgence de l’ajuster, de l’adapter aux réalités du moment. En effet, dans le cadre de la coopération et de la diplomatie parlementaire, les députés centrafricains doivent s’organiser et diversifier des partenariats avec d’autres parlements à travers le monde : c’est ce qu’on appelle les groupes d’amitié parlementaire. Ces derniers sont des acteurs de la politique étrangère de la Centrafrique et aussi des points d’appui à des actions de coopération interparlementaire. C’est ainsi qu’au début de cette législature, un groupe d’amitié parlementaire centrafricano-française a été mis en place et hiérarchiquement structuré à la seule différence que ce groupe d’amitié parlementaire est mort-né parce que non opérationnel. La quintessence de notre analyse se résume au fait que le sénat français manifeste actuellement le désir de collaborer avec le groupe d’amitié parlementaire France-Centrafrique mais se voit opposer une fin de non recevoir diplomatique car le responsable hiérarchique de ce groupe d’amitié parlementaire à des antécédents judiciaires avec la justice française et en conséquence déclaré personae non grata. La coopération parlementaire Centrafricano-française se trouve bloquer dans un immobilisme incomparable. Il est ainsi important de rappeler que l’article 16 du règlement intérieur qui définit les attributions du premier vice président de l’assemblée nationale évoque la notion de groupe d’amitié et des associations parlementaires sans pour autant préciser les contours et les missions. Le citoyen lambda qui est toujours omniprésent dans les politiques publiques ne cesse de s’interroger : La loi organique portant règlement intérieur de l’assemblée nationale n’avait-il pas prévu le cas d’empêchement du President du groupe d’amitié ? Au risque de ne servir à rien, le vice président ne peut-il pas animer ce groupe d’amitié parlementaire ? En d’autres termes, pourquoi le vice-président ne supplée pas le President empêché ? Le vice-président n’a t-il pas de légitimité pour entreprendre des actions en cas d’empêchement du President ? Les parlementaires centrafricains ne connaissaient-ils pas l’utilité d’un groupe d’amitié parlementaire et pensaient à la distribution de primes ? Quelle compréhension se faisaient-ils d’un groupe d’amitié parlementaire ? Que disent les textes et plus précisément le règlement intérieur qui régit l’organisation et le fonctionnement de l’assemblée nationale ? Apparemment ce dernier est muet et devant ce vide juridique, ce blocus, quelle est la réaction de l’assemblée nationale et plus particulièrement son President ? Faut-il dissoudre ce bureau et mettre en place un nouveau ? Était-il une erreur de lier le mandat du président du groupe d’amitié à la mandature ? Pourquoi ce mandat n’était-il pas soumis aux mêmes dispositions de l’article 11 du règlement intérieur ? Quel est le manque à gagner du parlement centrafricain face à cet immobilisme ? Pourquoi sollicité un mandat quand on est pas politiquement et de façon civique apte de l’assumer ? Par ailleurs, il faut noter que ce sont quelques failles du règlement intérieur qui ont engendré le phénomène de transhumance parlementaire au cours d’une même législature. Ainsi, que faire des parlementaires qui ne respectent pas les mots d’ordre de leur parti politique et qui se livrent à des « mercato parlementaire » à l’instar des députés du RPR ? Aussi, quelle est la réaction du parlement à l’égard des députés sur qui pèsent des suspicions de malversations économiques et financières ? Au passage, les lois et règlements sont l’expression conventionnelle de la volonté générale mais saviez-vous qu’il existe des lois et règlements injustes ? Saviez-vous aussi que ce qui est légal n’est pas nécessairement légitime ? En d’autres termes, les lois et règlements sont-ils nécessairement conformes à la justice ou au droit ? Pouvez-vous nous dire en quoi les lois et règlements peuvent être contraires au droit ? Pensez-vous que la volonté générale peut fixer des conditions pour garantir des lois justes ? Si la justice et la soumission au droit consistent à obéir aux lois et aux règlements, il semble donc contradictoire et paradoxale de penser que les lois et règlements puissent être injustes. Nous affirmons malheureusement que certains textes juridiques sont injustes lorsqu’ils ne reflètent rien d’autre que la volonté et les caprices d’un seul homme qui instrumentalise le droit et non l’émanation de la volonté générale. Il faut rappeler aussi que l’hyper majorité parlementaire peut discrétionnairement manipuler et façonner la règle de droit pour donner une couverture légale à leurs agissements et cela porte notoirement atteinte au principe de l’autonomie parlementaire. L’inefficacité parlementaire est en conséquence structurelle et non conjoncturelle. En vue de rendre efficace notre parlement, un toilettage du règlement intérieur s’impose afin d’introduire certaines exigences de l’heure. Il est enfin important de rappeler que nous n’avons pas la prétention à travers cette analyse de remettre en cause l’ensemble du travail fait en amont par nos collègues juristes de l’assemblée nationale mais il est évident qu’une œuvre humaine n’est jamais parfaite d’où notre modeste contribution pour l’ajuster, l’adapter au regard des insuffisances dans le fonctionnement de cette noble institution. Mais attention, ne le dîtes à personne. Si on vous demande, ne dîtes pas que c’est moi.

 

Paris le 22 décembre 2017

Bernard SELEMBY DOUDOU

Juriste, Administrateur des Elections.                                                                              Tel : 0666830062.

 

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